Il y a de ces auteurs que l’on découvre sur le tard, et qui entrouvrent une porte dont on ne soupçonnait pas même l’existence. Auletris, recueil de deux textes inédits de l’écrivaine Anaïs Nin, sert à la fois de porte d’entrée dans l’univers de l’érotisme, mais aussi de complément aux lecteurs qui connaissent déjà l’oeuvre plus que foisonnante de l’artiste.
Auletris, donc, publié chez Finitude, regroupe deux nouvelles érotiques écrites au début des années 1940, et qui trouvent ici une première déclinaison dans la langue de Molière.
La page couverture de ce recueil miniature en dit déjà long sur la qualité de l’écriture qu’on trouvera à l’intérieur: on y voit un sein, rond, frondeur, mais aussi beau, délicat, l’exemple même du paradoxe de cet organe à la fois sexuel et nourricier. Les deux textes que l’on trouvera derrière cette page de garde, Marcel et La vie à Provincetown, évoquent cette dualité: sont-ils d’abord des textes littéraires auxquels on a insufflé de l’érotisme, ou sont-ils plutôt des textes érotiques autours desquels on a enchâssé une histoire littéraire?
Il en reviendra aux lecteurs de trancher ce dilemme, mais quoi qu’il en soit, l’auteure fait ici preuve d’un style et d’un talent époustouflants. Plus que de simples récits racontant des actes sexuels, il y a ici une construction dramatique complexe, des personnages dont le caractère et les actions sont guidés par un ensemble de circonstances étoffées… Et lorsqu’il est question de sexe, les échanges sont certes particulièrement charnels, mais cet érotisme est tout autant destiné à ce qui se trouve entre les oreilles qu’à ce qui se cache entre les jambes. La stimulation est en fait d’abord intellectuelle, puis physique. Qui n’a jamais rêvé, après tout, de se laisser séduire par un récit bien écrit, avant de sombrer dans le stupre et la moiteur du plaisir?
Porte d’entrée vers un monde jusqu’alors inconnu pour les uns, complément à une collection déjà bien garnie pour les autres, Auletris est un recueil à la fois simple et complet, le genre de livres un peu fripons que l’on abandonne nonchalamment sur la table à café. À moins, peut-être, de vouloir le glisser dans une table de chevet?
Auletris, d’Anaïs Nin, publié aux éditions Finitude, 121 pages.
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