À l’exception de la Bolivie et de l’Uruguay, les principaux gouvernements sud-américains et la communauté internationale, voire les États-Unis et leurs alliés, ont soutenu au Venezuela le 23 janvier le président autoproclamé de droite, Juan Guaidó contre le président Nicolás Maduro de gauche. À l’écoute du refrain de la guerre froide, le sociologue et analyste politique chilien Raúl Sohr appelle à ne pas être paternaliste envers ce peuple en état de crise.
Avant de présenter son point de vue nuancé sur ce revirement politique à l’émission Última Mirada sur les ondes de CNN Chile le 29 janvier, Raúl Sohr a accordé une entrevue à Diario Uchile de la radio universitaire du Chili, le 24 janvier.
Comment presque toute l’Amérique du Sud peut-elle appuyer l’engagement d’un président autoproclamé?
Ce qui se passe au Venezuela n’est pas accidentel, ça correspond à un scénario élaboré depuis longtemps. On ne peut pas arriver à un consensus régional autour de la création de cette figure sans violer une norme fondamentale du droit international, qu’un gouvernement est reconnu s’il détient le contrôle territorial effectif, c’est-à-dire la frontière et les institutions.
Néanmoins, cette violation du droit international n’importe ni aux États-Unis ni aux autres gouvernements sud-américains…
Je crois que la façon de procéder provient des gouvernements sud-américains, du Groupe de Lima incluant le Canada, et que les États-Unis ont joué un rôle de coordination. Il faut reconnaître qu’au Venezuela la situation est absolument critique, dont l’inflation galopante et la pénurie massive. Indépendamment de cette crise politique, générée par le pouvoir en place, il y a un besoin de trouver une solution. Mais, supposons que cette reconnaissance, loin d’apporter une solution, aggrave la crise.
Le Venezuela est dans la mire des intérêts politiques et économiques des États-Unis depuis combien de temps?
Les États-Unis ont toujours été présents, depuis que le coup d’État organisé par le gouvernement vénézuélien contre le président Hugo Chávez a avorté en 2002. Aussi, ils ont soutenu la grande grève de l’entreprise pétrolière étatique Petróleos de Venezuela S.A. (PDVSA) qui a également échouée, juste avant l’invasion de l’Irak. De façon permanente, les États-Unis se sont placés dans une position de subvertir en tentant de nuire autant que possible aux gouvernements vénézuéliens et aux gouvernements de la nouvelle gauche, bolivariens.
En ce qui concerne l’influence, l’appui de la Russie au président Nicolás Maduro est-il comparable à l’appui des États-Unis?
Non, la Russie est un pays éloigné. La Russie est la douzième économie au monde et très à l’écart du pouvoir économique des États-Unis. Cette puissance est le principal acheteur de pétrole vénézuélien, le pétrole représente 95% des exportations du Venezuela. Alors, cela explique la grande dépendance du pays envers les États-Unis. Si les États-Unis refusent d’acheter du pétrole ou s’ils refusent de payer, ils pourraient causer un effondrement majeur dans l’économie vénézuélienne.
La déstabilisation du système économique au Venezuela a provoqué la chute des prix du pétrole et l’échec des marchés alternatifs, comment voyez-vous la situation lorsque Juan Guaidó sera en poste officiellement?
Peu importe le dénouement, il faut considérer que Juan Guaidó fait partie de la faction la plus dure de la droite vénézuélienne. C’est pourquoi avec un tel président il faut s’attendre à l’instauration d’un gouvernement dur, très dur, de droite. Peut-être pas aussi drastique que le nouveau président du Brésil, Jair Bolsonaro en termes de valeurs, mais un gouvernement d’extrême droite quand même. Probablement qu’il tentera d’extirper tout ce que le mouvement chaviste représente au Venezuela.
Sortie de crise par les urnes?
«Ça ne peut pas continuer comme ça encore longtemps, il faut une résolution et espérons qu’elle soit démocratique par la voie des élections, la seule alternative possible qui n’entraîne pas la violence», a affirmé Raúl Sohr sur les ondes de CNN Chile.
Dans le cas où Juan Guaidó deviendrait président du Venezuela, il pourrait prendre exemple sur la croisade néolibérale du nouveau président de l’Équateur, Lenín Moreno, rapporte le Monde diplomatique de décembre, afin d’extirper la gauche bolivarienne.
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