Mélange de drame humain et de drame policier, Sharp Objects, la plus récente série du réalisateur québécois Jean-Marc Vallée pour la chaîne HBO, s’avère supérieure en tous points à son Big Little Lies.
La petite communauté paisible de Wind Gap au Missouri est en émoi. Huit mois après avoir retrouvé le cadavre de la jeune Anne Nash mais pas son meurtrier, une seconde adolescente, Natalie Keene, manque maintenant à l’appel. Comme elle est native de l’endroit, Camille Preaker est envoyée sur place par le rédacteur en chef du Chronicle de Saint Louis pour couvrir les tragiques événements, mais sortant à peine d’un séjour en institution psychiatrique, la journaliste est encore fragile. Les retrouvailles avec sa mère, qui n’est pas heureuse de la revoir et lui fera savoir sans détour, remuent de douloureux souvenirs chez Camille qui, en plus de suivre la trace de ces crimes sordides, devra également faire face à ses démons personnels.
Si son Big Little Lies a été plutôt bien accueilli par la critique, le réalisateur québécois Jean-Marc Vallée se surpasse avec Sharp Objects, et cette nouvelle production pour HBO s’avère meilleure. Tout en proposant encore une intrigue axée principalement sur des personnages féminins (ce qui est moins fréquent qu’on pourrait le croire) et une relation mère-fille particulièrement trouble, ce drame humain se conjugue à un drame policier, ce qui rend le tout beaucoup plus captivant. Il faut dire que le scénario est basé sur le roman du même nom de Gillian Flynn, l’auteure de Gone Girl, et ce « whodunit » existentialiste et agréablement imprévisible vous tiendra en haleine jusqu’à la toute fin.
Tête d’affiche de Sharp Objects, Amy Adams est incroyablement touchante dans le rôle de Camille Preaker, une journaliste alcoolique qui s’automutile, et dont le corps est recouvert de mots scarifiés (wrong, drained, falling, wicked, etc.), et n’eût été de Sandra Oh, magistrale dans Killing Eve, sa performance lui aurait sans doute valu le Golden Globe de la meilleure actrice cette année. Jouant Adora, l’odieuse mère de Camille, l’actrice Patricia Clarkson est phénoménale, avec son mélange de sollicitude et de méchanceté, et les producteurs ont eu la bonne idée d’engager Chris Messina, avec qui Adams a déjà fait équipe dans Julie & Julia, pour interpréter un flic de la « grande ville » qui se butera à l’hostilité des policiers locaux.
Chose plutôt rare pour une série télévisée, Jean-Marc Vallée signe à lui seul tous les épisodes de Sharp Objects. Sa réalisation est soignée et inventive, et il utilise habilement la communauté fictive de Wind Gap pour illustrer le racisme ordinaire des petites villes du Sud des États-Unis, où les Noirs sont restreints à des postes de domestiques et de subalternes, mais entre les multiples flashbacks de son héroïne et les séquences purement atmosphériques, le rythme y est parfois un peu lent. Vallée s’est payé la traite en termes de trame sonore (Led Zeppelin, The Doors, Michel Legrand, Stevie Ray Vaughan, Johnny Cash, etc.), et la production se permet même de changer la chanson accompagnant le générique à chaque épisode.
L’édition haute définition de Sharp Objects inclut huit épisodes d’une heure chacun sur deux disques au format Blu-ray, ainsi qu’un code pour télécharger une copie numérique. Pour seul matériel supplémentaire, on retrouve une courte revuette de cinq minutes où la romancière, le réalisateur et les acteurs principaux discutent de la ville fictive de Wind Gap, et nous emmènent dans les coulisses du tournage dans l’état de Georgie.
La carrière internationale de Jean-Marc Vallée se porte très bien, et après Sharp Objects, un drame policier encore meilleur que son Big Little Lies, on a bien hâte de voir ce que le réalisateur québécois nous réserve pour la suite.
7.5/10
Sharp Objects
Réalisation : Jean-Marc Vallée
Scénario : Gillian Flynn, Marti Noxon, Ariella Blejer et Dawn Kamoche
Avec : Amy Adams, Patricia Clarkson, Chris Messina, Eliza Scanlen, Matt Craven et Henry Czerny
Durée : 422 minutes
Format : Blu-ray
Langue : Anglais, français et espagnol
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