À Québec, Montréal et Chicago, le lancement de projets d’infrastructures de transport relève plus de l’électoralisme que d’une prise en compte des enjeux environnementaux, sociaux et de l’espace à aménager. Coûteux et conçus pour le long-terme, ces projets ne répondent qu’en partie aux exigences du développement durable. La 8e biennale d’architecture de Rotterdam (IABR) propose d’aborder le problème du lien manquant à l’aide du design.
À Québec et Lévis, tous les experts en urbanisme ont abouti à la conclusion que la construction d’un «troisième lien», soutenu par la Coalition avenir Québec maintenant au pouvoir, va accroître l’étalement urbain et ne résoudra pas les problèmes de circulation, alors que le maire Labeaume privilégiait un réseau de transport en commun «structurant», d’après l’Actualité du 7 décembre 2017.
À Montréal, l’annonce le 25 novembre 2016 de trois nouvelles stations ajoutées au Réseau électrique métropolitain (REM), dont le financement par la Caisse de dépôt et placement du Québec et la mise en chantier rapides du projet, ne répond pas aux besoins des usagers du transport en commun qui attendent une modification du réseau depuis quelques décennies, en plus de ne pas être desservis par le tracé du nouveau train électrique.
À Chicago, les autorités ont été séduites par la proposition de l’entrepreneur Elon Musk de creuser un tunnel reliant le Loop du centre-ville à l’aéroport O’Hare afin de véhiculer les passagers dans des capsules sur lames électriques. Qualifié de fantaisie basée sur une technologie inexistante par les experts du transport, le projet ne tient pas compte du lieu, des besoins de la population et des coûts réels, d’après Streetsblog Chicago du 28 décembre.
Matrice
Avec l’objectif d’arriver à des résultats d’ici 2020, la 8e biennale d’architecture de Rotterdam (IABR) qui s’est déroulé du 1er juin au 8 juillet 2018 a ciblé la région du Delta en tant que microcosme prototype afin d’étudier l’aménagement de l’espace en conformité avec les enjeux contemporains. À l’aide de leur imagination et de la pratique du design, les participants incluant le public sont amenés à développer des méthodes menant à l’action à plusieurs niveaux d’échelle. Le but est d’anticiper une société du futur durable, mais surtout d’élaborer des moyens concrets pour y parvenir.
Au carrefour des Pays-Bas, des Flandres et de la communauté métropolitaine de Bruxelles, les cours d’eau du Rhin, de la Meuse et de l’Escaut constituent un système. Le Delta est l’un des plus vieux schémas urbanistiques polycentriques par son écosystème physique et hydrologique cohérent, comprenant une série de ports, assurant le lien vers l’intérieur du continent européen et vers le restant du monde.
Cette situation géographique crée un mur entre la Scandinavie et l’Europe occidentale, ainsi qu’une intersection entre le Nord et le Sud de l’Europe, de même qu’entre les populations anglophones et continentales. Ainsi, les habitants du Delta occupent une place de leader dans l’économie mondiale dont le maintien d’un niveau élevé de prospérité depuis des siècles, mentionnent les experts participants.
Objectifs de l’accord de Paris sur le climat, accroissement des inégalités de revenu et défis logistiques pour assurer les services sont des baromètres qui conditionnent l’ensemble des sociétés. L’IABR prend en compte ces enjeux contemporains tout en mettant l’accent sur des problèmes localisés dont les solutions envisagées sont transposables.
À Noordwijk, par exemple, l’opération immobilière Manhattan Project a exproprié plus de 15 000 résidences dans les années 1970 dans le but d’aménager un quartier des affaires fonctionnel. La crise économique a freiné son développement laissant le quartier vacant. L’IABR a décidé de s’intéresser au World Trade Center du site où des compagnies créatives, des artistes, des associations et des programmes d’architecture occupent les bureaux vacants du bâtiment.
Alternative
L’IABR propose de repenser radicalement l’utilisation et l’organisation de l’espace, puisque l’objectif de croissance économique dans le développement du territoire mène aux désastres écologiques, à l’instabilité, aux conflits régionaux et à la migration. Si la transition énergétique continue de se développer au rythme actuel, nous n’allons qu’atteindre les objectifs de réduction des gaz à effet de serre prévu pour 2050, en 2250 d’après les experts participants.
Le pire des scénarios est qu’une autorité modifie radicalement son territoire en fonction de la croissance économique comme le fait la France par l’abandon de ses villes moyennes. «Avec la formation du premier gouvernement de M. Philippe, en mai 2017, la notion d’égalité a cédé la place à celle de «cohésion» des territoires, par la création d’un ministère du même nom. Une notion assez floue, moins contraignante, en vigueur dans les institutions européennes», note le Monde diplomatique de mai 2018.
Les essais Notre empreinte cachée de Babette Porcelijn et Parce que demain…rêver le territoire, vers une version partagée de son potentiel de Geneviève Dorval-Douville et Jean-François Gingras présentent des pistes éclairantes de développement durable.
Entretiens journalistiques #21: Jean-Hugues Roy, le formateur de la relève