L’heure est aux revues de fin d’année, et les comédiens de Salut 2018! ne dérogent pas à la tradition. Installée au Café Campus, la troupe de Cabaret politique et bouffonneries tente, en deux heures, de résumer en humour une année rocambolesque.
On pensait avoir tout vu en 2017, avec le début de la présidence de Trump, les morts de célébrités, les scandales et la fin – pour l’instant! – de la carrière politique de Denis Coderre.
Pourtant, 2018 fut, à bien des égards, pire que la précédente. Les libéraux ont enfin été chassés du pouvoir, certes, mais ils ont été remplacés par la CAQ; Trump n’a pas jeté le monde dans une guerre nucléaire, mais il semble avoir fait ami-ami avec l’un des pires dictateurs de la planète. Et Elon Musk, entrepreneur porté aux nues, a traité un sauveteur de pédophile et a chèrement payé une étrange déclaration lancée en ligne. Bref, une année mi-figue, mi-raisin. Vivement 2019?
Le spectacle de nos humoristes en herbe est un peu à l’image de l’année qu’elle dépeint: on compte de nombreux bons coups, mais aussi des gags qui tombent à plat et d’autres qui font grincer des dents. Nous ne sommes pas à Radio-Canada, ici: « Ben oui, on fait des blagues d’handicapés », lancera l’un des comédiens après un gag semi-réussi sur Stéphane Laporte.
Quoiqu’il en soit, plusieurs numéros étaient soit particulièrement drôles, soit suffisamment baveux (ou les deux) pour faire mouche: chapeau, entre autres, à cette reprise de Fanfreluche, avec le personnage éponyme s’évertuant à tenter d’établir le sexe d’un enfant non genré dont les parents sont véganes, apolitiques, biologiques, free range, et offensé par tout et n’importe quoi. « Sans sel, sans levure et sans goût », blaguait François Pérusse. Ici, la charge contre la bien-pensance fait du bien.
S’il est faux d’affirmer que l’on ne peut plus rien dire, après tout, on a parfois l’impression que la police de la pensée n’est jamais très loin.
Ce sont d’ailleurs ces « contre-révolutionnaires » qui tiennent le haut du pavé, dans ce spectacle exutoire. Michelle Blanc y effectue une apparition fort remarquée, tout comme Robert Lepage, dans un numéro délirant.
Bien réussies, aussi, ces séquences où, sous le couvert d’une compilation musicale, on invite sur scène quatre artistes, tous blancs et probablement catholiques, à décrier les torts présumés du multiculturalisme. « Je ne suis pas raciste, mais… juste une fois au chalet? »
Rude année
Ce qui fonctionne moins bien, cependant, c’est ce retour un peu trop fréquent, parfois, aux chansons, justement. Les meilleurs gags sont parfois les plus courts, et y ajouter de la chansonnette fait courir le risque de trop s’étendre sur un sujet spécifique, alors qu’il y a tant à couvrir en à peine deux heures.
Sur ce plan, il est d’ailleurs dommage que certains personnages, certes indispensables, viennent tenir le haut du pavé dans des versions en apparence édulcorée par rapport à l’année dernière. Ainsi, si la version 2017 de Donald Trump consistait en un homme portant un costume ridiculement large d’épaule et de coiffure, la déclinaison 2018 ne possède qu’une trop grande cravate. Et son numéro de mamours avec Kim Jong-un tombe malheureusement un peu à plat.
On aurait aussi pu se passer des numéros un peu trop longs sur Justin Trudeau. Après tout, pourquoi ne pas se faire plaisir et rire un peu d’Andrew Scheer? Fort heureusement, on n’a eu droit à aucune blague sur Jamal Khashoggi. Il y a fort à parier que l’ambiance du Café Campus aurait alors été à couper au couteau.
En fin de compte, le spectacle vaut-il le déplacement? L’exercice est toujours périlleux, et, dans l’ensemble, le résultat est à la hauteur des attentes. Mention spéciale, d’ailleurs, à cette superbe imitation de Charles Tisseyre. Après avoir assisté, quelques jours auparavant, à une conférence mettant en vedette le véritable animateur de Découverte, le retrouver au Café Campus réussit à faire oublier bien des journées grises de 2018.
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