Sous un ciel lourd et que l’on espérait menaçant, la Maison symphonique accueillait mercredi soir les musiciens de l’Orchestre symphonique de Montréal (OSM) pour l’ultime concert du calendrier régulier, le War Requiem de Benjamin Britten.
Cette messe des morts « modernisée », d’abord présentée lors de l’inauguration de la cathédrale Saint-Michel en 1962, reconstruite après avoir été bombardée par les nazis pendant la Deuxième Guerre mondiale, combine les aspects « classiques » d’un requiem et des poèmes de Wilfred Owen, soldat britannique engagé dans la Première Guerre mondiale et qui perdit la vie lors de cette grande boucherie.
Pour ce dernier grand coup avant les vacances estivales – et les concerts spéciaux donnés durant cette période -, la salle était non seulement remplie par des spectateurs, mais aussi par des choristes, sous la direction d’Andrew McGill. Le traditionnel choeur, d’abord, mais aussi une section du dernier balcon, tout près de l’orgue, comme si les gens de l’OSM avaient voulu percher ces jeunes chanteurs sur une corniche. Ce choix s’explique cependant facilement: rien de mieux, en effet, pour imiter la voix des anges que de retenir les services de jeunes choristes et de les installer dans les hauteurs de la salle de concert. Idem pour la soprano Catherine Naglestad, postée pour sa part sur une plateforme au-dessus des cuivres.
De fait, seuls le ténor et le baryton, chargés de réciter la partie poétique, se retrouvaient au milieu des musiciens, maintenus quasiment de force au niveau du sol en raison de leur appartenance au monde des vivants, plutôt qu’au royaume des cieux.
La décision d’inscrire Britten et son War Requiem au programme tient peut-être à la fois de l’audace et de l’entêtement. On compte hélas plusieurs occasions où le choix des oeuvres données en concert tenait de la facilité, voire de l’opportunisme. Il ne s’agit pas non plus de bouder son plaisir et de se priver de pièces classiques. Britten, donc, commence par surprendre, voire intriguer. On ne sait trop par quel côté saisir cette oeuvre particulière, dont les rythmes vont parfois dans tous les sens – évoquant peut-être le chaos de la guerre et de la mort qui frappe sans prévenir.
Pourtant, au fur et à mesure que l’on s’enfonce dans les ténèbres glacées, une lumière surgit. Le spectateur est, le temps d’un instant, doucement emporté vers des cieux plus cléments sur fond mélodique puissant… en fait, sur fond mélodique carrément époustouflant. Combiner l’orgue Pierre-Béique, la force de plusieurs dizaines de choristes, la chaleur de la voix de trois solistes et la passion d’un orchestre symphonique, et l’on obtient une musique sacrée, oui, mais surtout la preuve de la beauté de l’humanité. Une humanité qui sait tirer parti du pire de l’homme pour en produire le meilleur.
Superbe oeuvre que ce War Requiem. Sombre, oui. Torturé? Absolument. Mais qui vient également prendre le spectateur aux tripes, et ne le libère que sous des applaudissements nourris.