Minuscule à première vue, la capitale de la Belgique constitue un refuge de la francophonie au nord de l’Europe, charmant l’étranger qui l’arpente. Une visite du Musée Magritte et du Musée des instruments de musique s’impose.
À la gare de Bruxelles-Central (Brussel-Centraal), une quantité phénoménale de trains convergent vers quelques quais le temps de l’embarquement. Pour ne pas manquer son train, le passager doit surveiller les destinations à l’écran et écouter l’annonce des départs à l’interphone tout en restant aux aguets des décalages ou annulations. La communication logistique se fait dans les deux langues officielles de la Belgique: le français et le flamand.
À bord du train, l’anarchie de la traduction prend place: parfois on traduit le nom des stations, parfois pas. Vous ne pouvez pas vous fier aux heures indiquées sur l’horaire de votre trajet, si jamais vous vous en procurez un, puisque les trains sont toujours en retard. Un embarquement retardé pourrait vous faire descendre à la station précédente. Oui, vous pouvez prendre le prochain train, mais avec une correspondance prévue pour changer de rail, ça se complique.
Si Morphée cesse d’embrouiller votre vision et d’engourdir votre ouïe, un espresso rompt cet envoûtement, vous arriverez avant la tombée de la nuit.
Ceci n’est pas…
Malgré les préjugés que beaucoup de gens ont envers le cubisme développé par les artistes Pablo Picasso et Georges Braque, les peintures et les sculptures issues de ce style ont un caractère ludique et interactif. Le visiteur doit réassembler l’objet décomposé, clairement identifié par le titre de l’œuvre. Alors que le surréalisme n’est pas un style. Au lieu de représenter des objets identifiables, ses adhérents ont pour objet le réel mettant en perspective la perception qui y échapperait.
À une époque où la communication se dédoublait d’affiches publicitaires, les artistes, les écrivains et les intellectuels alimentaient la presse alternative de leurs réflexions parallèles. Surréaliste à part entière, René Magritte (1898-1967) se distingue de ses homologues par ses mises en abyme du langage afin d’interroger le sens des paroles.
Dans le cadre d’un tableau, l’inscription «Ceci n’est pas une pipe» sous la peinture d’une pipe installe un clivage dans la représentation puisqu’il s’agit de l’image d’une pipe et non d’une pipe avec laquelle on peut fumer. À partir de cette prise de conscience, l’illustration de La Page blanche (1967), La parole donnée (1964-65), Les Grandes Espérances (1940) et Le Grand Air (1963-64) participent à cet effet d’inquiétante étrangeté.
Homme d’allure banale ressemblant à un banquier, René Magritte débordait d’idées sous son chapeau melon. Il s’est d’abord donné une latitude en extrapolant la négation du «Ceci n’est pas…» peignant un cadre dans le cadre, ce qui lui a ouvert la porte à la fusion d’un oiseau et d’une feuille ou dans L’Explication (1952), d’une carotte et d’une bouteille de vin. La vue du tableau Le Baiser (1938) estampe l’attention.
«La grande force de défense, c’est l’amour qui engage les amants dans un monde enchanté fait exactement à leur mesure et qui est défendu admirablement par l’isolement», lit-on sur le mur parmi une foule de citations de l’artiste. L’Empire des lumières (1961) et Le Seize Septembre (1956) montrant une maison sur un terrain boisé la nuit, mais couverte d’un ciel diurne marquent un contraste majestueux.
La tangente semble atteindre son apogée avec La Malédiction (1960): un ciel diurne nuageux perçant l’obscurité du lieu d’exposition.
Résonance multiple
À l’intérieur du somptueux bâtiment art nouveau de l’architecte Paul Saintenoy datant de 1899, autrefois occupé par le magasin Old England, se loge le Muziekinstrumentenmuseum, en néerlandais, qui a ouvert ses portes à l’an 2000. Fondée en 1877, la collection foisonnante s’élargie à présent par l’accès à la base de données Musical Instrument Museums Online comprenant 45 000 instruments réparties dans 11 musées européens.
Muni d’un audioguide, le visiteur erre sur les étages d’une vitrine à l’autre et s’arrête pour écouter la séquence audio correspondant à l’instrument sous ses yeux. La simplicité du procédé n’enlève rien à la profondeur que l’on peut retirer de l’expérience. La participation active amène à imaginer la connexion entre la constitution de ce qu’on voit et la nature du son qu’on entend.
Sur l’étage Traditions du monde, les instruments d’Asie du sud-est et d’Afrique subsaharienne nous transportent dans une autre atmosphère. En se rapprochant du vieux continent, le classement spatial cède aux regroupements par types d’instruments qu’il s’agisse de flûtes, de hautbois, de cornemuses, d’instruments à cordes ou d’instruments qui appartiennent à la modernité comme l’accordéon.
Si l’aspect rustique de l’écorce de bouleau enroulée et la panoplie de guimbardes surprennent, certains amalgames de sac d’air, de soufflet et de corne étonnent de leur complexité. Puis, on écoute ce que ça donne. La visite se poursuit à l’étage des claviers et au sous-sol avec la dimension électronique de la musique. Le thérémine s’y trouve.
Une fringale? Au sommet du bâtiment art nouveau, le restaurant et sa terrasse offrent une vue imprenable sur le centre historique de la capitale belge.
2 commentaires
Pingback: Leonardo Da Vinci était ambidextre - pieuvre.ca
Pingback: Buñuel après l’âge d’or, le voyage initiatique d’un surréaliste - Pieuvre.ca