Qu’est-ce que la démocratie? Est-ce le droit de voter à tous les quatre ans pour élire un gouvernement? Est-ce la liberté économique? La justice pour tous? Ou est-ce autre chose? Dans le cadre des Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM), la réalisatrice Astra Taylor tente de répondre à une question apparemment simple, mais qui est en fait excessivement complexe.
« La démocratie est le pire des régimes, à l’exception de tous les autres », disait Churchill. Sous une forme ou une autre, la démocratie, ce gouvernement du peuple par le peuple, le droit des individus de choisir leurs gouvernants, existe depuis la Grèce antique. Pourtant, alors que l’on pensait que l’ère des totalitarismes chose du passé avec la chute de l’Union soviétique, voilà que la démocratie a de nouveau très sérieusement du plomb dans l’aile. Corruption des élus, affaiblissement des contre-pouvoirs, systèmes imparfaits qui craquent de partout… Les régimes démocratiques ploient sur leurs propres faiblesses, mais aussi sous les coups de boutoir des pays pas tout à fait démocratiques, ou alors carrément dictatoriaux.
Tenter de trouver un sens à tout cela est une tâche plus que titanesque; Mme Taylor s’y emploie pourtant résolument, multipliant les cas de figure, les entrevues avec des penseurs d’ici et d’ailleurs, des retours dans le passé… Qu’ont en commun ce site historique à Athènes, là où la démocratie serait née, et ces intellectuels noirs américains qui déplorent les mesures visant à empêcher leurs compatriotes de voter? Chaque système, dira un politologue, est fondé sur des bases incertaines. Aux États-Unis, les reliques du vieux système esclavagiste se dévoilent dans ces mesures de blocage du vote noir, dans cette répartition des sièges assurant un pouvoir politique aux anciens États confédérés, face aux États des côtes, démocrates et plus peuplés. Au Canada, bien que cette question ne soit pas abordée dans le documentaire, c’est encore l’ombre de la reine anglaise qui plane sur l’ensemble du système parlementaire.
Mais au-delà des questions purement politiques, Astra Taylor s’attarde à la perception de la démocratie par ceux qui la vivent, ceux qui la désirent. Est-il à ce point étonnant que les gens fuient la guerre et la misère, fuient la corruption politique et la perversion de la démocratie, pour trouver refuge qui aux États-Unis, land of the free, qui en Europe? N’y a-t-il pas plus vif rappel des valeurs fondamentales de la démocratie que ces Syriens qui débarquent dans une Grèce exsangue après les mesures d’austérité de l’Union européenne, épris eux aussi de justice, de liberté et de prospérité?
What is democracy? est à la fois un documentaire fascinant et une créature indomptable, quasiment incompréhensible. On aurait souhaité un point de vue davantage détaché, plus d’entrevues avec des experts, des politologues, des politiciens. On aurait souhaité un film plus cru, des rencontres avec ceux qui viennent de pays non-démocratiques, ou de là où la liberté de conscience, de vote et d’action est menacée. À l’image de la démocratie elle-même, l’oeuvre d’Astra Taylor est bigarrée, belle, parfois incompréhensible, étrange, problématique… À voir, à revoir, à soumettre à débat, à disséquer, à recoudre ensemble. Tout cela à la fois!
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