La philanthropie, nouvelle pierre d’assise du journalisme? Au Royaume-Uni, le quotidien The Guardian annonçait récemment avoir dépassé la barre du million de lecteurs payants en ligne, obtenant du même coup suffisamment de fonds pour sortir la tête de l’eau. Une bonne nouvelle pour le milieu des médias, mais qui pourrait n’être qu’épistolaire.
La rédactrice en chef du Guardian, Katharine Viner, a publié lundi une lettre ouverte sur le site web du journal pour annoncer la grande nouvelle: après trois ans et demie en poste, le quotidien serait finalement rentable.
« Quand je suis entrée en poste, nous devions affronter un défi urgent » en lien avec la baisse des revenus, écrit Mme Viner. « Les médias cherchaient des réponses au problème de la baisse des entrées d’argent liées à la crise de la publicité en ligne. Mois après mois, ils étaient plus nombreux à se réfugier derrière un mur payant. »
Pour The Guardian, toutefois, pas question d’imposer une limite au nombre d’articles pouvant être lus par mois, à l’image du Boston Globe, du Washington Post, ou encore du New York Times.
Le journal a plutôt tenté de séduire ses 150 millions de lecteurs de partout dans le monde en faisant miroiter une seule récompense: du journalisme de qualité. Dans sa lettre, la rédactrice en chef évoque d’ailleurs plusieurs grands dossiers d’enquête financés par ces lecteurs: le scandale des données chez Cambridge Analytics, ou encore l’impact des changements climatiques.
« Nous espérons faire nos frais d’ici avril 2019. Cela n’a pas été facile, et il y a encore beaucoup de chemin à parcourir », poursuit Mme Viner, qui réitère son invitation à délier les cordons de la bourse pour financer The Guardian, que ce soit via une contribution volontaire, un membership, ou des abonnements à sa publication principale, ou aux publications dérivées, The Observer et The Guardian Weekly.
Une crise, plusieurs solutions
Le travail accompli par The Guardian et ses journalistes ne signifie pas que cette méthode visant à récolter des sous représente la panacée pour d’autres médias, qu’ils soient traditionnels ou non. Convaincre moins de 1% de son lectorat de débourser de l’argent pour s’informer n’est pas garant de succès financier… À moins de disposer d’un bassin de 150 millions d’utilisateurs.
Du côté du New York Times, on évoque 15 millions d’abonnés en ligne, soit davantage que le papier. Si le modèle du mur payant semble y avoir fait ses preuves, la notoriété du quotidien de la Grosse Pomme joue là aussi un rôle majeur.
Plus près de nous, le quotidien La Presse, pourtant « le plus grand journal francophone d’Amérique », annonçait la suppression de 37 de ses 500 postes dans la foulée de la refonte de sa structure financière. Désormais un organisme sans but lucratif, La Presse pourrait se mettre à offrir du contenu supplémentaire payant, a récemment indiqué l’un de ses dirigeants. Pas question, assure-t-on, d’imposer un mur payant ou de cesser d’offrir les informations gratuitement. Un pari risqué en voie d’être remporté par The Guardian. Mais d’autres médias de moins grande ampleur seront-ils à la hauteur?
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