Concept: Dans la tête de…, ce sont des soirées d’improvisation théâtrale où l’on visite les univers de six auteur(e)s. Chaque soirée est unique. Sur scène, un auteur, un maître de jeu, un musicien, cinq comédiens qui vont improviser de courtes scènes avec les idées, les ébauches et les envies de l’auteur invité. Et lors de ces soirées, tout peut arriver.
Auteur en vedette et équipe: un chouchou à La Licorne, Fabien Cloutier, dont l’univers sera exploré, sondé, arpenté, farfouillé, mis à nu par cinq comédiens: Simon Rousseau, Sébastien Rajotte, Sophie Cadieux, Marie Michaud et Marie-Josée Bastien. Dans le décor de la dernière création de Cloutier, Bonne retraite Jocelyne, le maître de jeu, Simon Boudreault, annonce les thèmes. Il y en aura 10, tous aussi aux désopilants les uns que les autres. Le quintette sera appuyé d’Éric Desranleau, qui jouera, au gré des numéros, des airs qu’affectionne particulièrement l’auteur, notamment du heavy métal, du western sanglotant ou des succès barber shop des années 1950. On vous avait prévenu: Tout peut arriver.
Thèmes et délire: Une fois les fébriles improvisateurs saisis du thème, ils se réunissent en caucus avec leur guide, l’auteur lui-même, tergiversent quelques minutes pendant que le maître de jeu nous révèle quelques facettes du célèbre Beauceron et de ses œuvres. Diplômé du Conservatoire d’art dramatique du Québec en 2001, Sagittaire, amateur d’huîtres, de chasse et d’Émile Cioran… on aime ces apartés révélateurs. Fin du caucus, tout le monde se retrousse les manches et plonge, sans pudeur, avec folie et plaisir. Assistera-t-on à la naissance d’une prochaine grande œuvre?
Parmi les moments forts de la soirée, on retient l’improvisation sur le thème: Les mots de Fabien Cloutier. À l’aide d’un savant algorithme, Boudreault a recensé les cinq mots les plus récurrents dans les pièces Scotstown, Cranbourne, Billy (les jours du hurlement), Pour réussir un poulet et Bonne retraite Jocelyne, à savoir: moé (315 fois), crisse (257 fois), faire (204 fois), faque (156 fois) et quand (140 fois). Le défi: répéter ces cinq mots autant de fois que possible durant l’improvisation. Si le ton et les répliques de Sébastien Rajotte et Marie-Josée Bastien s’harmonisent parfaitement à ceux de l’auteur, l’emploi ad nauseam par Bastien du mot crisse finit par agacer.
Une autre perle du spectacle: l’improvisation intitulée Tu prends l’œuf pis tu le crisses dans le crate qui a comme prémisse Mots d’auteur. Dans ce monologue délicieux de Marie Michaud, Cloutier intervient à sa guise en lui lançant des mots qu’elle doit intégrer à son récit farfelu. En éleveuse de poules-trieuse d’œufs, Michaud attrape au vol les termes espoir, abattoir, cretons, amour, syndicat et socialisme, et livre un vigoureux (et émouvant) plaidoyer pour les droits des poules. Elle réussit l’exploit avec brio. Quand la voix préenregistrée de l’auteur siffle à la fin de l’impro: OK, on a ce qu’y faut. Excellent!, le public en redemande. C’est franchement hilarant!
La consigne des répliques à ploguer constitue certainement le numéro où les acteurs (tous en scène, réunis dans un club tout-inclus à Cuba pour l’occasion) éprouvent le plus grand plaisir, tout autant que le public, ébahi par la cohérence de l’histoire qui se déploie sous ses yeux. On ne se lasse pas et on attend sur le bout de notre siège de voir le joueur triomphant se départir de son papier, un sourire espiègle aux lèvres.
On salue la performance de Sophie Cadieux en mère qui allaite complètement hystérique. La pression reposant sur ses épaules, la comédienne est tout simplement épatante. C’est fluide et surtout très drôle. On applaudit également Simon Rousseau dont les interventions sont toujours justes et l’aplomb, déconcertant.
En finale, le public a droit à une improvisation avec l’auteur. Aux côtés de Sébastien Rajotte, le dramaturge campe un futur marié schizophrène qui prend la poudre d’escampette quelques minutes avant la cérémonie. La conclusion prend une tournure étonnante au-delà des attentes.
Fabien Cloutier a choisi le théâtre pour calmer ses nombreuses angoisses, il se sent souvent touriste dans un monde complexe et il déteste l’expression Le monde ordinaire parce que, selon lui, le monde est loin d’être ordinaire. Dans sa tête non plus, il n’y a rien d’ordinaire.
Prochains événements Dans la tête de… à surveiller:
Jean-Marc Dalpé (4 février), François Archambault (11 mars), Pierre-Michel Tremblay (8 avril) et Jean-Philippe Lehoux (13 mai).
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