L’archéologue, exploratrice et combattante Lara Croft est de retour pour le troisième et dernier volet de ses aventures contemporaines dans Shadow of the Tomb Raider. Force est d’admettre, hélas, qu’Eidos Montréal n’a produit, au mieux, qu’un jeu très correct, mais sans plus.
Le ton était donné, et ce dès la soirée de présentation dans une boîte de nuit branchée du quartier Griffintown, à Montréal: on nous promettait un troisième titre plus imposant, plus audacieux, plus enlevant… Plus tout, bref! Avec de l’exploration de tombes en prime, chose que les amateurs attendaient avec impatience depuis déjà deux jeux.
C’est pourtant toute cette ambition, toute cette volonté de faire mieux qu’avec Tomb Raider et Rise of the Tomb Raider qui a probablement poussé Eidos Montréal à tourner un peu trop les coins ronds.
Toujours à la recherche de l’organisation secrète Trinity, qu’elle soupçonne d’avoir tué ses parents, Lara se retrouve au Mexique et tombe sur une dague sacrée. Désireuse de la mettre à l’abri de ses adversaires, l’archéologue s’en empare, déclenchant ce qui a des allures de prophétie de fin du monde: si elle ne met pas la main sur l’autre artefact permettant d’éviter la catastrophe, la planète entière pourrait subir les foudres du panthéon des divinités maya.
Pour atteindre son objectif, la jeune femme devra nager, grimper, débroussailler et… tuer. Le tout à l’aide d’un équipement diversifié et de capacités qui pourront être améliorées en découvrant des lieux secrets, en explorant les vastes forêts mystérieuses de l’Amérique du Sud, en amassant divers objets, ainsi qu’en examinant ruines, runes et autres vestiges des civilisations précolombiennes.
Des hauts… et des bas
Rendons d’abord à César ce qui lui appartient: Shadow of the Tomb Raider est beau. Les forêts sont luxuriantes, les décors fourmillent de détails, la lumière est bien souvent magnifique, et l’environnement sonore l’est tout autant.
Le résultat est un peu moins reluisant lorsque l’on nous offre un gros plan sur la chevelure « réaliste » de Lara, ou lorsque notre personnage marche dans une « boue » qui se déforme étrangement sous nos pas, mais il est certainement possible d’attribuer ces petits accrocs au fait que le jeu ne sortant officiellement que ce vendredi 14 septembre, une mise à jour est certainement prévue pour corriger ces petits défauts. Idem pour les autres problèmes graphiques, comme la disparition de la peau des bras de notre compagnon, vers la fin du jeu.
Chapeau également pour certaines sections d’exploration, que ce soit dans des tombes ou au grand air. Lara se déplace avec fluidité et grâce dans de superbes environnements de grande taille. Saut, course, nage, escalade, souvent tout cela dans une succession rapide… On donne de la liberté d’action à une héroïne qui a la bougeotte, et en combinant les différents types de mouvement, on se sent vraiment dans la peau d’une exploratrice.
Certains puzzles viennent par ailleurs couper le souffle. Plateformes sur lesquelles il faut grimper, portes en apparence inaccessibles qu’il faut savoir déverrouiller, acrobaties potentiellement mortelles; tout cela se combine parfois à la perfection pour améliorer d’autant l’expérience.
Ce qui coince, hé bien, c’est un peu tout le reste. À commencer par cette histoire étrange qui finira par tourner autour d’une civilisation précolombienne qui désire conserver ses traditions et son mode de vie face à « l’envahisseur » extérieur. On peut comprendre que les habitants de cette ville perdue dans les montagnes péruviennes ne souhaitent pas se retrouver avec un McDonald ou un WalMart, mais à voir les sacrifices humains qui y sont régulièrement pratiqués, ou en imaginant le taux de femmes mourant en couches, on peut s’interroger sur la pertinence de sauver une poignée de gens vivant presque 700 ans dans le passé.
Ce qui agace, aussi, c’est cette propension à faire tourner le jeu autour du combat. Presque toutes les habiletés pouvant être déverrouillées à l’aide de points d’expérience concernent d’ailleurs les moments où il faut affronter des gardes génériques. Il est d’ailleurs franchement étrange de voir une jeune femme dans la vingtaine assassiner sans pitié des dizaines de personnes, pour ensuite se faire imposer une cinématique, vers la fin du jeu, où notre héroïne a des « remords ». Il est un peu tard pour développer une conscience…
Dans la même veine, d’ailleurs, est-il franchement nécessaire de nous permettre de gagner la capacité de piéger le corps de nos ennemis tués, de fabriquer des flèches empoisonnées, ou d’améliorer notre propension à nous déplacer silencieusement lorsque l’on nous donne aussi une panoplie d’armes à feu? À quoi bon prévoir notre itinéraire et mettre sur pied une méthode pour approcher silencieusement des ennemis si l’on peut simplement dégainer une mitraillette et tirer dans le tas?
Oh, il y a bien des séquences scriptées où l’on doit s’en remettre à la discrétion, ou encore cette partie hilarante, en début de jeu, où on aura beau tirer trois, quatre, cinq flèches dans la tête d’un jaguar, celui-ci sera toujours capable de nous attaquer… Les gens de chez Eidos auraient dû clairement établir s’il était nécessaire d’avoir des armes, et s’en tenir à une option, plutôt que de valser entre les séquences de combat et celles où l’on doit se cacher.
Place au cinéma!
Mais l’aspect le plus frustrant de Shadow of the Tomb Raider est la propension détestable du jeu à constamment interrompre la progression pour nous infliger un nouveau développement du scénario. Que ce soit en ralentissant la vitesse de déplacement de l’héroïne pour la forcer à écouter sa radio, ou, pire encore, en multipliant les cinématiques, les développeurs viennent constamment briser l’immersion du joueur dans l’univers pour lui rappeler qu’il n’est en fait qu’une personne toujours un peu plus frustrée d’être forcée de regarder le jeu pour lequel il on espère qu’il paiera le plein prix (en plus des contenus supplémentaires, bien sûr!), plutôt que… hé bien, plutôt que d’y jouer!
Voilà pourtant 20 ans qu’Half-Life a prouvé qu’il est possible de présenter un univers et de faire progresser un scénario sans que le joueur soit extirpé de sa vision à la première – ou dans ce cas-ci, à la troisième personne. Était-ce si compliqué de repenser la progression du jeu pour conserver cette immersion ô combien essentielle?
On aimerait apprécier davantage ce Shadow of the Tomb Raider, d’autant plus que les gens de chez Eidos ont vraisemblablement consacré beaucoup de temps et d’énergie à essayer d’en faire un jeu enlevant et passionnant. Hélas, on a plutôt l’impression que le travail a été bâclé pour plaire aux grands patrons ou aux actionnaires.
C’est franchement dommage.
Shadow of the Tomb Raider
Développeurs: Eidos Montréal, Crystal Dynamics, Nixxes Software
Éditeur: Square Enix
Plateformes: Xbox One, PlayStation 4, Windows (testé sur Windows)
Jeu disponible en français.
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