À la victoire de Donald Trump, l’expression coite des analystes et des experts devant le décalage entre leurs prédictions et le résultat des élections était mémorable. Que les statistiques ne correspondissent plus au subconscient du peuple ou que les irrégularités faisant l’objet d’enquêtes aient été ignorées dans l’analyse démontre que la démocratie est en mutation.
À la demande du premier ministre Philippe Couillard, le lieutenant-gouverneur Michel Doyon, a déclenché la 42e campagne électorale de l’histoire du Québec le 23 août. Ainsi, les partis politiques ont 39 jours pour convaincre les 6,1 millions d’électeurs qui devront voter le 1er octobre. Outre le protocole qui officialise cette course pour le pouvoir, et la couverture médiatique qui rend compte des faits et gestes des politiciens, une mise en contexte mondial s’impose, puisque d’autres impératifs pèsent sur le processus démocratique.
Avec chacun leur chef, leur programme, leur logo, leurs couleurs, leurs déclarations, les partis politiques ressemblent à des coureurs alignés sur la ligne de départ, alors que l’État est soumis à d’autres pressions d’ordre mondial qui rivalisent avec ces candidatures. Plus un parti se prononce en faveur du libéralisme économique, moins ses représentants sont responsables ou conséquents de leurs décisions par rapport à la population. Ainsi, une marge de manœuvre inégale se dégage pour s’adonner au machiavélisme et au queerisme.
La vente du fleuron Rona au Québec, l’achat d’un oléoduc au Canada et le versement de 700 milliards de l’argent des contribuables aux banques pour éviter la crise financière de 2008 aux États-Unis sont des décisions politiques justifiées par la raison économique. «La grande entreprise est dirigée par une équipe très nombreuse d’hommes et de femmes hautement qualifiés, aux relations très étendues. Ils n’ont pas de mal à se persuader que les besoins de leur société et les impératifs de la politique nationale se confondent», affirme l’économiste John Kenneth Galbraith dans une entrevue avec la journaliste Nicole Salinger parue en 1978.
«Les démarches nécessaires pour organiser un groupe de pression coûtent du temps et de l’argent. Le PDG d’une grande société, lui, a immédiatement accès aux plus hauts échelons du gouvernement», poursuit l’économiste.
Progrès ou aliénation
Le déséquilibre des rapports au pouvoir, altérant la valeur du vote démocratique, suit l’évolution de l’ordre économique: un monétarisme balisé par la société de consommation et le transhumanisme.
Dans le Monde diplomatique de juillet, le sociologue Louis Pinto retrace la chronologie des critiques de l’avènement de la société de consommation et du consommateur informé et calculateur. Issus d’un genre hybride en sciences sociales, ces essais mélangent philosophie, littérature et sociologie, traitant de la dimension du quotidien en vogue au cours des années 1960. Pour le sociologue, la société de consommation est un outil de dépolitisation qui substitue au sujet politique qui délibère collectivement des orientations économiques et sociales un sujet économique qui optimise ses achats.
Idéologie née en 1980 dans la Silicon Valley, le transhumanisme promeut l’amélioration physique et intellectuelle des humains par les nouvelles technologies et l’intelligence artificielle, impliquant la fusion de l’humain et de la machine. École de pensée au cours des années 2000, la réussite du modèle consiste à faire connaître un problème dont les géants du numérique s’apprêtent à commercialiser la solution. Cette promotion technologique a pour conséquence de contourner la politique, l’intelligence artificielle poserait une question trop sérieuse pour être laissée aux gouvernements ou à la délibération publique, d’après le Monde diplomatique d’août.
L’épuisement professionnel du dirigeant de Tesla, Elon Musk est peut-être un signe pour les partis politiques que miser sur la croissance économique est inhumain.
Un commentaire
Pingback: Élections québécoises 2018 – À l’ombre d’entreprises comme Nike