L’apparition de la classe moyenne en Chine permet de se familiariser avec ce pays de plus d’un milliard d’habitants, alors qu’on remet en cause ce progrès tenant compte du niveau élevé de pollution, du contrôle des naissances et de l’expropriation de terres ancestrales. Le film Ciao Ciao (2017) de Song Chuan raconte l’histoire de cette jeune génération à mi-chemin entre la ville et la campagne.
Lorsqu’on demande à la mère de Ciao Ciao quel était le métier de sa fille en ville, elle répond qu’elle ne sait pas, ce qui compte là-bas. Revenue dans son village natal dans une zone rurale montagneuse dont la verdure apparaît verte fluorescent à l’écran, Ciao Ciao passe le temps en fumant des cigarettes, en se baladant vêtue à la mode et en tentant d’obtenir une connexion internet pour jaser avec sa copine en ville. Bref, elle a l’air d’une adolescente forcée par ses parents de passer les vacances d’été en campagne loin de tous les attraits de la civilisation.
Bien qu’elle ait l’occasion de former un couple avec un jeune coiffeur qui a également vécu en ville et qui partage le même intérêt pour l’esthétique, elle va craquer pour Li Wei. Se déplaçant à moto, ce rebelle téméraire combine l’insouciance de Telly du film Kids (1995) de Larry Clark et Harmony Korine et l’irresponsabilité de Bruno du film L’enfant (2005) des frères Dardenne. Dès qu’il gagne de l’argent en participant à l’entreprise de contrebande d’alcool de son père, il la dépense aussitôt en faisant des paris ou en se payant les services d’une prostituée.
Les aspirations de princesse de Ciao Ciao ne peut se contenter de rien de moins que du roi des voyous, du moins de cette zone rurale puisque la ville est un autre monde avec de multiples possibilités. Partir vivre en ville implique un déracinement, une coupure qui est soutenu du début à la fin du film. Ce n’est pas seulement l’histoire d’une héroïne épanouie en ville qui revient dans sa région ravivant une nostalgie à tous les coins de rue et recevant les bons vœux de chaque villageois dans un bouquet pathétique, le cinéaste expose une décadence.
Ce film semble faire écho au classique du cinéma chinois Terre jaune (1985) de Chen Kaige dans un contexte contemporain. Le soldat ayant pour mission de sillonner les campagnes afin de noter les chants des paysans dans le but de les transformer en chants révolutionnaires prend la forme d’un train qui lie la campagne à la ville apparaissant au début et à la fin. Ciao Ciao symbolise autant la Chine que Cuiqiao, c’est-à-dire qu’elle incarne une transition moins individuelle que générale.
Ce retour exacerbe une situation chaotique sur le plan moral. Tous les personnages, Li Wei compris, en viennent à ressentir un décalage entre tradition et modernité. Une sorte de fatalité à laquelle chaque personnage s’accroche même si le dénouement du progrès les dépasse.
Le spectateur a tout de même droit à une poursuite en sandales et à la fabrication rustique d’un médicament. Un vieil homme introduit un serpent vivant dans un bocal contenant un liquide, qu’il boit par la suite.
Un détour en Chine? Pourquoi pas!
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