Et si l’énergie sexuelle était une arme révolutionnaire pouvant balayer le capitalisme et l’ordre social? C’est précisément la prémisse de Pas tristes tropiques, une bande dessinée complètement déjantée de Clément Xavier et Maxime Jeune.
Pour quelle raison la compagnie d’aspirateurs Empirex tente-t-elle depuis plus d’une décennie de localiser la mythique tribu des Indios? C’est qu’une fois par année, les membres de cette tribu concoctent un puissant aphrodisiaque afin de célébrer la fertilité, et le président de la vilaine corporation souhaite mettre la main sur cette potion pour la répandre à grande échelle, et que, obsédés par l’envie de forniquer, plus personne ne travaille ni ne consomme, causant rien de moins que l’effondrement du capitalisme. Heureusement, un groupe d’anthropologues dont l’avion s’est écrasé sera capturé par les Indios, mais ces académiciens obtus sauront-ils contrecarrer les plans d’Empirex et empêcher le monde de devenir un baisodrome à ciel ouvert?
Avec un récit déjanté se situant quelque part entre porno et politique, Pas tristes tropiques s’inscrit dans la plus pure tradition des « BD de gare », ces bandes dessinées imprimées sur du mauvais papier et vendues jadis dans les kiosques des gares françaises. S’inspirant du Tristes Tropiques de l’ethnographe Claude Lévi-Strauss, Clément Xavier oppose ici la société moderne à la primitive, et sa vision, tout comme son humour, sont délicieusement décapants. Que ce soit un prof expulsé du lycée Jean-Marie Le Pen parce qu’il a eu une érection devant ses élèves, ses références à Marc Dutroux, ou sa bombe aphrodisiaque lâchée sur le parc Euro Disney, rien ne semble tabou pour l’auteur.
Bien que l’album contienne son lot d’actes sexuels explicites (fellation, sodomie, orgie s’étalant sur deux pages, etc.), Pas tristes tropiques n’est pas vraiment une bande dessinée érotique dans le sens classique du terme, puisque la dimension politique domine largement le récit, sans oublier que les dessins en noir et blanc de Maxime Jeune ne sont pas particulièrement affriolants. Précisons que l’album est une petite brique de 400 pages, comptant la plupart du temps deux cases par page. Avec un tel nombre d’illustrations à effectuer, on ne passe évidemment pas une heure sur chacune, mais malgré tout, le trait brouillon et les lignes grasses de l’artiste se marient à merveille avec le propos trash du livre.
Mélange de politique, de porno et d’humour noir, Pas tristes tropiques horripilera à coup sûr les personnes moindrement prudes, mais si vous appréciez une bonne dose de subversion, cette bande dessinée est définitivement pour vous.
Pas tristes tropiques, de Clément Xavier et Maxime Jeune. Publié aux Éditions FLBLB, 424 pages.
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