Quasiment un siècle après la Loi constitutionnelle de 1867, la monarchie constitutionnelle parlementaire fédérale s’est munie d’une image nationale. Le documentaire Design Canada (2018) de Greg Durell, projeté au Cinéma du Parc, témoigne de cette mise en forme du Canada qui a pris son essor à l’Expo 67 de Montréal.
À l’achat de la chaîne de beignerie canadienne le 26 août 2014, portant le nom de l’un de ses fondateurs, le joueur d’hockey Tim Hortons par le fonds d’investissement 3G Capital d’origine brésilienne, actionnaire majoritaire de Burger King Worlwide, c’est une image du Canada qui a été déracinée. Bien que sous la bannière Restaurants Brand International basé à Oakville en Ontario, il soit possible de troquer son bol en pain pour la fameuse poutine du Québec, avec des quartiers de patates, il faut croire que certains Canadiens sont désormais embêtés au moment de choisir leur assortiment de trous de beigne.
L’appropriation de la feuille d’érable autochtone a été le premier pas de cette population dispersée sur un territoire immense pour s’identifier à un symbole. Tel que mentionné par un designer, le Canada était encore la «servante» du Royaume-Uni pendant la Seconde Guerre mondiale, ainsi il était temps de remplacer ce drapeau américain où un «Union Jack» siégeait à la place du rectangle étoilé sur un fond rouge sans bandes blanches sur lequel était apposé un blason. À cela, s’ajoute le castor et le design d’Équipe Canada qui a disputé une série de joutes de hockey contre l’équipe de l’URSS.
Après la guerre, plusieurs Européens ont émigré au Canada apportant leur savoir-faire de designer. En tant que centre du Canada, Montréal s’est métamorphosé en carrefour des cultures avec l’Exposition universelle de 1967 où tous les designers ont trouvé du travail. Au cœur de cette mosaïque postcoloniale, le design assurait la communication. La feuille d’érable a été redessinée en une composition de triangles multicolores, les repères du stationnement étaient des animaux stylisés et cette dimension a offert un certain recul ou zone tampon pour l’expression visuelle des Autochtones.
Les explications graphiques des mises en forme sont la partie la plus captivante du documentaire. L’analyse du processus créatif montre que le logo du Canadien National (CN) est une ligne continue tel un chemin de fer, ainsi que le logo de la Banque Toronto-Dominion (TD) se base sur deux bandes verticales faisant allusion aux deux tours de l’architecte Mies van der Rohe à Toronto, appartenant à la banque.
Le découpage des logos fait voir dans celui des Expos la contraction de la lettre «e» pour le nom de l’équipe, la lettre «m» pour Montréal et la lettre «b» pour baseball, alors que le logo des Jeux olympiques de 1976 est un podium superposé sur les cinq anneaux. Puis, l’évolution des logos dans le temps est présentée, par exemple, un cercle plein a remplacé le «C» du logo de Radio-Canada.
Deux solitudes
La chronologie de l’image du Canada se termine avec une double duplication, c’est-à-dire que le premier ministre fédéral Pierre Elliott Trudeau s’est servi du design pour répandre le bilinguisme d’un océan à l’autre, tandis que la volonté d’indépendance des Québécois s’est manifestée par la réappropriation de son image.
L’instrumentalisation du design canadien dans le scandale des commandites n’est pas mentionnée dans le documentaire. Au pouvoir, le Parti libéral du Canada a détourné les fonds publics par la promotion à grands frais des avantages de ne pas devenir indépendant auprès des Québécois, avant le référendum du 30 octobre 1995.
À l’exemple du design garant du sentiment d’appartenance des Canadiens, le gouvernement actuel serait-il en mesure de doter son pays d’une économie représentative du multiculturalisme en variant ses partenaires économiques? Jadis, le Canada a manifesté son indépendance en serrant la pince à Fidel Castro au-dessus de l’embargo américain.
Étant donné que le premier ministre Justin Trudeau a refusé la réforme du mode de scrutin, il ne faudrait pas s’attendre à ce qu’il cesse de financer le palais de Buckingham et qu’il réinjecte les sommes placées dans les paradis fiscaux dans l’économie canadienne.
Aujourd’hui, un pin blanc au centre d’un cercle ouvert aux quatre directions figure sur le drapeau de Montréal signifiant le cercle de la vie et le feu du conseil, en référence aux nations autochtones.