À la suite de manifestations, l’annulation de la pièce de théâtre SLAV par le Festival international de Jazz de Montréal (FIJM) ne relèverait-elle pas d’un racisme inconscient ciblant la génétique particulière du metteur en scène ? À l’âge de 5 ans, Robert Lepage a développé l’alopécie qui se manifeste par la chute des cheveux et des poils, recevant les moqueries cruelles de ses camarades.
À la première, les manifestants rassemblés devant le Théâtre du Nouveau Monde (TNM) dénonçaient l’emploi de chants d’esclaves noirs sans qu’il n’y ait d’interprètes noirs dans la distribution. Le lendemain, mieux renseignés, la présence de deux chanteurs noirs dans la pièce n’était pas un ratio assez élevé pour arrêter de manifester. Il ne s’agit pas d’une pièce en faveur de l’esclavagisme, possible aux États-Unis à cause du premier amendement, mais répréhensible en tant que discours haineux au Canada. S’intéressant à la Chine, à la Russie, au Danemark et à une multitude d’autres cultures, le talentueux Robert Lepage a porté sur les planches du TNM le chant des esclaves noirs dans le cadre du FIJM.
Les musiciens blancs peuvent-ils jouer du Jazz et du Blues ou ces styles musicaux sont réservés aux noirs, ou encore faudrait-il exiger au moins un musicien noir par concert? Établir des ratios en matière de race semble aussi compliqué que de définir si l’on est Blanc ou Noir de façon exhaustive. Il y a quelques années, l’humoriste Dieudonné est venu présenter son spectacle Sandrine à Montréal au Théâtre Corona, après avoir adhéré au Front national. Encore une fois, des manifestants bloquaient l’entrée distribuant des pamphlets. Leur cause: il a insulté les Sages de Sion. Décidément, c’était plus précis que blanc ou noir. Trop, c’est comme pas assez.
N’empêche que ces manifestants contre le racisme vont puiser leur revendication dans l’intensité de la ségrégation raciale qui a surtout eu lieu aux États-Unis pour la décharger contre une cible relativement vulnérable, une institution théâtrale montréalaise. Au sud de la frontière, le président Donald Trump aligne les politiques racistes les unes après les autres. Avant de brandir leurs pancartes, se sont-ils interrogés sur le montant alloué à la culture ou sur comment passer les auditions pour faire partie de la pièce? Il a été préférable d’opter pour la trivialité: des Blancs chantent des chants d’esclaves noirs, je veux ma cote.
Probablement qu’il est révélateur de mentionner que Robert Lepage n’avait pas engagé d’acteur scandinave dans le Projet Andersen et qu’un acteur noir jouait Miles Davis dans Les aiguilles et l’opium au TNM. Instrumentaliser la couleur de la peau à des fins politiques ne revient-il pas à introduire Dieu dans la laïcité de l’État? Deux fatalités en marge des valeurs universelles, jadis baromètre de l’essayiste Frantz Fanon, du cinéaste Ousmane Sembène et de l’auteur des Nègres blancs d’Amérique, Pierre Vallières.
L’alopécie est également un terme médical pour désigner la calvitie qui se transmet par l’hérédité, dont la plupart des Caucasiens sont atteints avec l’âge. Alors, pourquoi ne pas se regrouper entre chauves devant le théâtre pour remettre SLAV sur ses rails?