Fruit d’une réflexion collective menée sur plus de huit ans avec des spécialistes de disciplines variées, l’essai Parce que demain…rêver le territoire – Vers une version partagée de son potentiel de Geneviève Dorval-Douville et Jean-François Gingras paru aux éditions Somme toute est un guide optimiste afin de redevenir maître chez nous, de façon durable.
L’été est la saison idéale pour quitter les îlots de chaleur de son agglomération pour passer ses vacances au grand air en région. Si certains retrouvent leur chalet familial, d’autres parcourent la carte géographique dans le but de planter leur tente quelque part en forêt. N’empêche qu’un chalet nécessite de l’entretien, alors que les merveilles du territoire québécois ne se situent pas toujours à proximité des commodités nécessaires: épicerie, station-service, salle de bain, etc. Les Québécois sont confrontés à un territoire caractérisé par sa démesure, écrit l’urbaniste émérite Gérard Baudet. La moitié de la population, soit quatre millions de personnes, habite dans la grande région de Montréal.
L’essai est marqué par un biais régionaliste de sorte que les auteurs nous informent sur le potentiel de la périphérie véhiculant de multiples initiatives. Au lieu de se joindre aux snowbirds en Floride, pourquoi ne pas séjourner dans l’Auberge de montagne des Chics-Chocs en Gaspésie, au Village-Vacances Petit-Saguenay ou au centre de villégiature Jouvence en Estrie? En parallèle du tourisme, le développement du Nord est l’objet d’étude de l’Institut nordique du Québec, du Centre d’études nordiques et reçoit le financement du gouvernement du Canada, dont le réseau ArticNet.
Au sujet de la revitalisation des villages, les auteurs valorisent la prise en charge locale plutôt que le parachutage d’entreprises recommandant de cesser de réfléchir comme si tout au Québec était uniforme. Les incitatifs fiscaux ne sont pas la solution puisque si une entreprise s’installe pour cette seule raison, il faut se demander combien de temps elle restera dans la région avant de se faire offrir plus ailleurs? Mieux vaut rediriger une partie de ces montants vers la formation de la main-d’œuvre et vers les infrastructures. La prise en charge doit se baser sur les forces de la population reconnue comme créative, capable d’innover et de sortir des sentiers battus.
L’esprit d’initiative fort s’enracinerait-il dans le petit nombre que furent les Français devant s’adapter à un nouveau territoire? Jadis, il était avantageux de coopérer et de découvrir les habitudes de leurs alliés autochtones.
Les auteurs souhaitent renouer avec la conception des Premières Nations et des Inuits concevant le territoire comme étant prêté, de génération en génération.
Transport
En attendant l’autobus dans le quartier Mile-End, je m’adonnais à une comparaison entre les modes de vie québécois et français avec une Française qui vivait à Montréal depuis quelques mois. Nous nous sommes mis d’accord sur le fait qu’ici, cela prend une voiture pour sortir de la ville, alors que là-bas, c’est simple de voyager en train.
Un article du Monde diplomatique du mois de mai nuance cette certitude. Dans la foulée du délaissement des villes moyennes au profit des métropoles par le gouvernement français, le désenclavement ferroviaire de Montluçon, carrefour de chemins de fer au 19e siècle, nuit à la capacité d’attraction économique de la ville. «Évidemment qu’un Montluçon-Paris soit parfois aussi long qu’un Paris-New York, ça joue sur le moral !», lance le patron d’une jeune entreprise performante dans le secteur des biotechnologies, Frédéric Rodzynek.
Outre la démesure du territoire québécois pouvant contenir trois fois la France, il est intéressant de constater que l’enjeu de couvrir via les transports l’étendue d’un territoire avec une population dispersée soit partagé des deux côtés de l’Atlantique.
En contrepartie, cette comparaison révèle que l’accès aux régions ne relève que d’une volonté politique, fondée sur la raison d’être de l’État au-delà de l’opportunisme partisan.
Connexion
La modernisation d’une entreprise dans la région administrative de Lanaudière voit sa productivité freinée à cause d’un mauvais réseau Internet. Les connexions d’à peine six mégabits par seconde engendrent des lenteurs dans la recherche de position de leurs 30 camions munis de GPS, donnent en exemple les auteurs.
À ces problèmes, s’ajoute la mauvaise connexion à un bâtiment situé à 30 minutes de route du siège social. Ne pouvant partager les mêmes dossiers et applications, les employés sont obligés d’établir une comptabilité à part, à la main, parce qu’on ne peut pas inscrire les entrées dans le logiciel utilisé au siège social.
Pour remédier à ce type problème, le gouvernement du Québec a octroyé en 2017 des subventions à l’entreprise Telus pour le déploiement du réseau dans l’Est du Québec. Redoutant que ce projet mette en péril des années d’efforts et d’investissements pour se doter d’un réseau similaire, ainsi que craignant que le privé vise d’abord les secteurs les plus rentables, plusieurs Municipalités régionales de comté (MRC) s’y sont opposées.
La Maison des régions située dans le Quartier des affaires de la métropole rappelle que l’économie c’est avant tout une communauté ancrée dans son milieu, qui se serre les coudes.
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