Ambitieux huis clos spatial mettant en vedette Peter Shinkoda, Jeananne Goosens et Caroline Dhavernas, Hyperlight est déjà le troisième court-métrage de science-fiction de Nguyen-Anh Nguyen, et pour souligner sa sortie, Pieuvre.ca s’est entretenu avec le réalisateur québécois.
C’est à travers le manga culte Akira de Katsuhiro Ōtomo que Nguyen-Anh Nguyen découvre la science-fiction dans sa jeunesse. « J’ai lu le premier tome quand j’avais 12 ans, et j’ai demandé à la bibliothécaire de commander le reste. Comme c’était moi qui lui avais suggéré le tout, elle m’appelait chaque fois que le nouveau tome arrivait, et je le lisais en premier. J’ai vu le film plus tard, après avoir lu les mangas, et ça a vraiment marqué mon esprit. »
Malgré cette passion pour le cinéma en général et la science-fiction en particulier, Nguyen-Anh n’envisage pas faire carrière dans le domaine, et se tourne plutôt vers la dentisterie. « Le cinéma, c’est quelque chose qui m’est arrivé. Je suis dentiste de profession, et après avoir travaillé un an en résidence aux États-Unis, j’ai découvert que je n’aimais pas trop ça, que ça n’était pas ma passion. » Entre deux projets de films, il lui arrive encore aujourd’hui de pratiquer la chirurgie dentaire.
De retour à Montréal, il étudie en cinéma à Concordia, et après sa graduation en 2008, il touche à différents styles cinématographiques, jusqu’en 2012, où il réalise un premier court-métrage de science-fiction. « Je me suis rendu compte que je n’étais peut-être pas le plus doué pour faire des drames romantiques », dit-il en riant. « Avec The Akira Project, j’ai vu que j’étais plutôt bon à réaliser ce genre de choses, et les gens ont bien réagi au projet. C’est ce qui m’a poussé à faire de la science-fiction dans le genre que j’aimais, et dans lequel je trouvais que j’avais du talent. »
Suite à la sortie de son second court-métrage de science-fiction, intitulé Temple (qu’il est d’ailleurs en train d’adapter pour en faire un long-métrage), Nguyen-Anh Nguyen reçoit plusieurs commentaires très positifs sur ses effets spéciaux et ses scènes d’action, mais certains cinéphiles lui confient qu’ils aimeraient le voir raconter une histoire vraiment humaine, et voir comment il dirige des acteurs. Sa production suivante, Hyperlight, prouve qu’il a pris ces commentaires au sérieux.
Un article sur le prototype du premier réacteur à fusion créé par Lockheed Martin lui donne l’idée du film. « Moi et mon directeur photo, Simran Dewan, on est deux super geeks en termes de science-fiction et d’espace… On s’est demandé quel genre d’énergie serait nécessaire pour atteindre la vitesse de la lumière, et si on voyage plus vite que la lumière, certaines choses peuvent arriver au niveau de la relativité, qui peuvent créer des dimensions différentes… C’est là que l’idée de base de Hyperlight est née. On voulait faire notre Interstellar (rires), et c’est ce qui nous a poussés à développer l’idée ».
Des acteurs de renommée internationale font partie de la distribution de Hyperlight, dont le montréalais Peter Shinkoda, qu’on a vu dans des films comme Paycheck, I, Robot ou Godzilla. Dès la sortie de The Akira Project en 2014, le comédien a en effet contacté Nguyen-Anh Nguyen pour lui faire part de son envie de travailler avec lui. Après avoir lu le scénario de Hyperlight, Shinkoda accepte le rôle, même s’il trouve le projet un peu ambitieux pour les moyens du bord. « La participation de Peter m’a beaucoup aidé à trouver Jeananne Goosens, une actrice canadienne qui travaille surtout aux États-Unis, et Caroline Dhavernas, qui est arrivée sur le tard. »
Les effets spéciaux d’Hyperlight se comparent à ce qui se fait à Hollywood, mais ce n’est pas seulement une question de moyens techniques. « Au cours des cinq-six dernières années, les logiciels sont de plus en plus puissants, les machines aussi, mais ce n’est pas tout. Oui, il y a une composante technique qui permet de faire des projets comme ça, à la maison finalement, et pas dans des studios à Hollywood, mais ce qui aide énormément, c’est de connaître des gens très talentueux qui acceptent de travailler avec moi, malgré des budgets toujours très serrés. C’est ça qui est le clé pour faire des visuels aussi léchés. »
Comment parvient-on à vivre de son art et à financer ses projets quand ses films sont disponibles gratuitement en ligne? « C’est dur de faire des films de science-fiction au Québec. C’e n’est pas un secteur où il y a beaucoup de soutien gouvernemental. Tous les films que j’ai faits ont été financés soit par du sociofinancement, comme The Akira Project, soit par mon argent personnel ou l’argent de mes amis partenaires. Hyperlight en particulier a été financé par le Conseil des Arts du Québec, et par des partenaires privés, tels que Black Magic Design et CineGround Media. »
Le Québec n’a peut-être pas une grande tradition de cinéma de genre, mais avec des productions dans les dernières années comme Mars et Avril de Martin Villeneuve, Turbo Kid ou le Blade Runner 2049 de Denis Villeneuve, la science-fiction serait-elle en train d’intégrer peu à peu notre culture?
Voici ce qu’en pense Nguyen-Anh: « On a le talent pour le faire, mais le climat et le milieu ne sont pas vraiment propices à ça. Je sais que Turbo Kid a été très difficile à faire, j’ai des amis qui ont travaillé dessus, mais ils ont prouvé qu’il y avait un énorme public pour ça, un public international, pas juste québécois, et je crois que c’est ça la voie. Si on fait strictement des projets fixés sur une audience québécoise, c’est plus dur de justifier les budgets qui sont nécessaires, mais si tu fais un film de science-fiction qui est ciblé un peu plus à l’international, il est possible de faire de l’argent, comme Turbo Kid l’a démontré. Mon but comme réalisateur, c’est de faire des films de science-fiction au Québec, mais axés à l’international.»
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