Dans un monde où la vie de tous est constamment enregistrée, surveillée, et donc accessible à loisir, le travail de la police est généralement facile. Voilà pourtant qu’une femme anonyme semble commettre une série de meurtres, ce qui pousse le détective Sal Frieland à se lancer à ses trousses.
Anon, film diffusé directement sur Netflix, imagine donc un univers où la surveillance gouvernementale est complète. Mais l’État, confronté, avec cette série de meurtres, à une personne pouvant échapper au « système », doit se débarrasser rapidement de cette contestataire.
Voilà donc notre personnage principal, interprété par Clive Owen, qui tente de retrouver la trace de notre pirate, qui, elle, est jouée par Amanda Seyfried.
Au premier abord, Anon, malgré le titre un peu absurde – anon évoquant l’anonymat, mais aussi les utilisateurs par définition anonymes du forum numérique 4chan -, pourrait fonctionner. Dans une société où la notion de vie privée a disparu, on pourrait s’attendre à ce que ceux qui revendiquent justement l’anonymat mènent une lutte secrète contre le pouvoir politique et les forces de police. Le mythe de David contre Goliath, cette lutte de l’opprimé contre l’oppresseur est toujours vendeuse, d’autant plus que les questions de protection de la vie privée sont tout à fait contemporaines.
Le hic – le gros hic -, c’est que tous les acteurs de ce film semblent avoir décidé de jouer de façon extrêmement détachée. Les rares émotions exprimées, autres que ce qui ressemble à un ennui fort tenace, surprennent, alors que l’ensemble du film penche davantage du côté contemplatif et philosophique, plutôt que du bon vieux film policier un peu sale où l’on explore la face cachée d’une société bien souvent gangrenée par sa propre corruption.
Mêlant une esthétique et une approche contemplative évoquant Gattaca, Equilibrium, ou encore le mésestimé Dark City, Anon propose une vision léchée, purifiée de la vie futuriste. Et c’est probablement là où le bât blesse franchement. Tenter de trouver un intérêt à un film où les personnages n’expriment que peu d’émotions, demeurent immobiles la plupart du temps (les séquences de piratage et d’observation des enregistrements se déroulent normalement dans la tête des protagonistes), et se déplacent tous dans des logements ou des pièces immaculées en vient rapidement à relever du défi plus que du plaisir cinématographique.
Si Anon est un film s’appuyant sur une idée potentiellement intéressante – la préservation de l’anonymat et de la vie privée à une époque où le gouvernement surveille constamment tous ses citoyens -, l’exécution est franchement bâclée. On aurait certainement dû consacrer moins d’argent à trouver des décors pour le tournage, histoire que le réalisateur, scénariste et producteur Andrew Niccol engage un véritable scripteur pour donner de la vie à ses personnages.
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Un commentaire
Je trouve très plausible qu’en ayant tous leurs faits et gestes enregistrés, les personnages soient dans le contrôle constant et l’autocensure. Tous ce qu’ils font peut être utilisé contre eux puisque plus rien n’est caché. Même dans l’intimité, ils semblent se contenir se sachant potentiellement observables. Comment se révolter sans être immédiatement arrêté ? Avec un tel système, vous n’êtes plus libre de rien. C’est une dictature silencieuse qui enchaîne, dès leur naissance, chaque être humain à son système de surveillance.
Quant aux visages impassibles durant les phases de visionnage des archives, c’est encore une fois cohérent : il suffit d’observer les gens devant leurs ordinateurs, leur smartphones ou leurs tablettes. Chacun est absorbé ne laissant que peut d’émotions transparaitre et comme la technologie imaginée dans le film permet de se passer de support, c’est en plus un monde de silence. Tout se passe dans l’esprit.
Au delà de ces aspects, j’ai trouvé que les décors épurés avec ces surimpressions blanches constantes étaient bien à l’image de ce monde effroyable. C’est un monde vide ou beaucoup d’objets n’ont plus leur place puisque tous est numérisé, archivé. Tout est sous contrôle, une prison sans barreaux apparents.
Pour ma part, je suis bien rentré dans cet univers oppressant et j’ai trouvé que, justement, les acteurs, par leur jeu qui semble contrôler la moindre émotions, y étaient parfaitement intégrés.