Les travailleurs québécois méritent eux aussi leur salaire minimum à 15 $ de l’heure. Voilà ce que martèle clairement l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS) dans une nouvelle note d’information publiée mercredi.
Les chercheurs de l’IRIS l’écrivent ainsi noir sur blanc: le salaire minimum actuel, qui doit passer de 10,50 $ à 10,75 $ de l’heure le 1er mai de cet année, est clairement insuffisant pour permettre à une famille typique de sortir de la pauvreté, et donc de joindre les deux bouts. Et ce si les deux parents travaillent à temps plein.
Ce faisant, l’IRIS emboîte le pas à la mouvance réclamant, ici comme ailleurs, un salaire minimum de 15 $ pour faire en sorte que les travailleurs du secteur de la vente au détail, entre autres, puissent recevoir un revenu suffisant pour joindre les deux bouts sans devoir se tourner vers les banques alimentaires et autres services d’aide aux démunis.
Déjà, aux États-Unis, les gouverneurs démocrates de deux États, New York et la Californie, ont signé des projets de loi permettant l’augmentation progressive du salaire minimum à 15 $ l’heure, que ce soit d’ici 2022 en Californie, ou d’ici la fin de 2018 dans l’État de New York, à quelques exceptions près.
Au Québec, les chercheurs de l’IRIS soulignent que la famille moyenne doit disposer d’un revenu tournant autour de 53 000 $ par année à Montréal, contre 52 450 $ à Québec et 50 000 $ à Trois-Rivières pour offrir un train de vie dépassant le seuil de la pauvreté. À Sept-Îles, ce montant bondit jusqu’à 57 000 $, éloignement oblige. Cela comprend l’achat d’aliments, les services tels que le téléphone, la connexion internet, ou encore un titre mensuel de transport en commun ou l’essence pour conduire un véhicule.
En maintenant le salaire horaire à 10,75 $, un ménage montréalais de deux adultes et deux enfants accusera un déficit d’environ 3700 $, contre 3200 $ à Québec, 450 $ à Trois-Rivières, voire même 6900 $ à Chicoutimi, et 8200 $ à Sept-Îles. Autant dire qu’il est impensable de s’en sortir sans un revenu additionnel, ou avoir recours à des services d’aide, entre autres à des banques alimentaires. « C’est donc dire que pour eux, travailler au salaire minimum équivaut à rester dans la pauvreté », écrit l’IRIS.
« Pour penser un salaire minimum au Québec qui puisse prendre en compte la pluralité des situations a On peut consulter à l’annexe 5 de la présente Note les tableaux de calcul du salaire viable des différents types de ménages dans toutes les localités étudiées. et des localités, nous avons fait la moyenne des salaires viables calculés pour les différents cas de figure de cette note et sommes arrivés au montant de 15,10 $ par heure, soit 4,35 $ de plus que le salaire minimum de 2016 au Québec. Et gardons à l’esprit que le salaire minimum devrait être plus élevé de 8,83 $ pour qu’une personne seule habitant Sept-Îles puisse acquitter ses dépenses », poursuit la note d’information.
« Dès qu’il est question d’augmenter le salaire minimum, les tenants de l’orthodoxie économique rétorquent que cela aurait un impact négatif sur l’emploi en plus de créer une spirale inflationniste. Or, les effets d’une augmentation du salaire minimum sont plus nuancés que ce que nous laissent croire ces pronostics alarmistes », indiquent les chercheurs.
Pourtant, des organismes tels que la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) mènent la charge contre une telle augmentation. Sur son site internet, la FCEI affirme que la hausse du salaire minimum en Alberta, par exemple, pourrait entraîner jusqu’à 50 000 emplois perdus, en plus de saper la confiance des petites entreprises, de ralentir la croissance économique, en plus de causer une hausse des cotisations personnelles et patronales, ce qui réduirait l’impact de l’augmentation.
Que nenni, rétorque l’IRIS, qui soutient qu’en Colombie-Britannique, la hausse du salaire minimum de 28%, soit de 8 à 10,25 $ de l’heure, un suivi de l’évolution du marché de l’emploi est venu contredire les prévisions de l’Institut Fraser, qui évoquait de 26 000 à 52 000 postes disparus.
« La manière actuelle de fixer le salaire minimum au Québec ne reflète pas les besoins réels des gens qui gagnent ce salaire, et il devient urgent de se poser la question de la direction que nous voulons prendre en tant que collectivité pour soutenir les travailleurs et travailleuses les plus pauvres. Si l’on s’affranchit des épouvantails dressés par les économistes orthodoxes, la solution sensée semble être de mettre en place un plan visant à augmenter le salaire minimum et, par le fait même, à accroître le pouvoir d’achat des travailleurs et travailleuses pauvres et leur contribution à l’économie du Québec », concluent les chercheurs de l’IRIS.