Le président américain actuel a remporté les quatre cinquièmes des votes des chrétiens évangéliques blancs dépassant l’appui accordé par ce groupe aux présidents Ronald Reagan et George W. Bush, malgré ses prises de position en faveur de l’avortement, son tempérament misogyne et son langage vulgaire. Le journaliste Michael Gerson explique cette association étrange dans le magazine The Atlantic du mois d’avril.
À titre comparatif, les catholiques américains ont mis en place l’idée du «si, alors» afin de concrétiser leurs prises de position politiques. Si vous voulez vous identifier en tant que pro-vie par rapport à l’avortement, alors vous devez vous opposer à la déshumanisation des migrants. Si vous critiquez la dévaluation de la vie par euthanasie, alors vous devez critiquer la dévaluation de la vie par le racisme. Si vous voulez vous identifier comme un profamille, alors vous devez appuyer l’accès aux soins de santé. Ainsi, la doctrine dans son ensemble exige une considération de la justice de manière générale et cohérente qui rompt avec les catégories et clichés de la politique aux États-Unis.
De l’autre côté, le discours public des évangéliques demeure problématique par leur référence à l’apocalypse. «Nous sommes sur le point de la perdre (Amérique) comme on aurait pu la perdre pendant la guerre de Sécession», proclame l’auteur et animateur de la radio évangélique, Eric Metaxas. Une telle hyperbole ne pourrait être qu’une stratégie rhétorique mettant en avant-plan l’apocalypse, mais l’attribution de la dépravation et du déclin à l’Amérique reflète une croyance cohérente, et une déception, que le retour du Christ pourrait se passer au coin de la rue.
Cependant, les politiques dans le cadre de la démocratie sont essentiellement anti-apocalyptiques. Elles sont basées sur l’idée que la citoyenneté active permet de faire progresser la nation.
En contrepartie, aucune négociation, aucun compromis ne peut être comparé au retour du messie. Les évangéliques sont hautement vulnérables au message décliniste populiste rancunier.
Auréole blonde, teint orangé et colère sanguine
«Notre pays s’en va en enfer», a déclaré Donald Trump faisant presque écho à l’avertissement de l’apocalypse comme ceux proclamés par Eric Metaxas. «Nous n’avons rien vu comme ça, un carnage partout sur Terre», a-t-il également déclaré. Tenant compte de son peu de connaissances de la religion, Donald Trump a adapté le prémillénarisme à la rhétorique populiste sans le savoir.
Avant la guerre de Sécession (1861-1865), les évangéliques étaient postmillénaristes, c’est-à-dire qu’ils croyaient que le dernier millénaire de l’histoire de l’humanité serait un temps de paix dans le monde et d’expansion pour l’Église chrétienne culminant avec le retour du Christ. Les horreurs de la guerre, l’industrialisation et l’urbanisation ont choqué cet optimisme social. De plus, l’immigration massive de catholiques et de juifs a changé la conception spirituelle du pays. Le courant fondamentaliste qui a animé les évangéliques de 1900 à 1930 était une réaction désespérée aux changements sociaux, transformant le postmillénarisme en prémillénarisme. Ils croient désormais que le 21e siècle est celui de la décadence et du chaos sous l’influence de Satan.
La présidence de Donald Trump est un désastre par rapport aux normes en rendant la culture américaine vulgaire, en permettant la brutalité, en compliquant la formation morale des enfants, en déstabilisant les standards de l’intégrité publique et en encourageant le cynisme autour de la politique. Si les évangéliques appuient Donald Trump, c’est parce que ce dernier les considère comme un groupe d’intérêts parmi plusieurs autres. Bref, il leur accorde de l’attention.
Cette orientation religieuse est-elle comparable à l’influence des évangéliques auprès du gouvernement de Stephen Harper au Canada, de l’Opus Dei auprès du gouvernement de Mariano Rajoy en Espagne ou du moine Ashin Wirathu au Myanmar?
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