Personne n’aime retrouver des pesticides dans son assiette. La publication le 10 avril d’un rapport annuel américain sur les fruits et légumes contenant « le plus de résidus de pesticides », qui a eu un bon écho dans les médias, y compris des médias francophones, a donc suscité une certaine inquiétude chez les consommateurs.
Mais avant d’adopter tout classement comme source de référence, le Détecteur de rumeurs vous suggère 4 choses à vérifier.
1. Si un reportage suscite chez vous de l’inquiétude, retournez autant que possible à la source originale.
Il peut arriver en effet qu’un reportage ait oublié une information capitale, ou même l’ait exagérée (c’est souvent le cas des titres). Dans ce cas-ci, cette source originale était facile à trouver: tous les médias citaient l’organisme américain, appelé Environmental Working Group (EWG). Une recherche Google rapide permet de trouver son rapport annuel rédigé pour le grand public, qui s’avère être un classement des « 12 aliments contenant le plus de pesticides » (Dirty Dozen) publié chaque printemps depuis 2004.
2. « Il y a des pesticides » dans tel et tel fruit, lit-on. Mais en quelle quantité?
Comme le dit l’adage, « c’est la dose qui fait le poison ». C’est d’autant plus important à savoir que le niveau de risque n’est pas le même d’un pesticide à l’autre. Or, dans ce cas précis, ni le communiqué de presse de EWG, ni la liste qu’il met en valeur sur son site, ne contiennent cette information.
Pourtant, les taux de pesticides pour chaque aliment sont faciles à trouver: ces informations sont connues d’EWG puisque leurs chiffres, disent-ils, sont ceux des analyses menées par le ministère américain de l’Agriculture.
3. Le classement suggèreun danger. Mais par rapport à quoi?
Une meilleure vulgarisation du risque pourrait, dans ce rapport ou dans les médias, comparer les doses observées dans ces fruits et légumes avec la « dose de référence », c’est-à-dire la norme sécuritaire fixée par les autorités nationales (en l’occurrence, l’Agence américaine de protection de l’environnement). En termes clairs, il s’agit de la limite maximale d’un produit (ici, le pesticide) qu’une personne pourrait ingérer si elle mangeait ce fruit tous les jours. Si la dose atteint ou dépasse ce seuil, c’est non seulement inquiétant pour les consommateurs, mais contre la loi pour l’agriculteur ou le distributeur. Les seuils canadiens sont comparables (un effort d’harmonisation est en cours pour l’Amérique du Nord depuis les années 2000), mais pour savoir si cette analyse de risque est « exportable » à 100%, il faudrait comparer chaque dose de référence de chacun des pesticides à celles établies au Canada.
Incidemment, une étude parue en 2011 dans le Journal of Toxicology et signée par deux chercheurs du département des sciences de l’alimentation de l’Université de Californie avait mesuré les niveaux de pesticides des fruits et légumes qui faisaient cette année-là la « liste des 12 » et avait conclu que les doses étaient de loin inférieures aux « doses de référence » américaines.
Enfin, EWG publie lui-même le bémol suivant: son guide « n’est pas construit sur une évaluation complexe des risques des pesticides ».
4. Plus ou moins que les produits bios?
Contrairement à ce que peuvent laisser croire les recommandations qui accompagnent ce classement, les produits bios contiennent eux aussi des pesticides. Voici par exemple la liste des substances, dont certains pesticides, approuvées aux États-Unis pour tout agriculteur qui veut conserver sa certification de ferme biologique.
L’Agence canadienne d’inspection des aliments produit elle aussi sa liste des substances autorisées, de même que le ministère français de l’agriculture.
Verdict
Il ne s’agit pas de prétendre que les pesticides ne peuvent pas être dangereux. De nombreuses études ont établi hors de tout doute des risques pour la santé et l’environnement pour certains d’entre eux. Mais une liste comme celle-ci ne contient pas d’information utile pour évaluer ce risque. Plusieurs nutritionnistes s’inquiètent même qu’elle puisse avoir un effet délétère, s’il s’avérait qu’elle conduit des gens à manger moins de fruits et légumes.
Dans un manuel (handbook) sur les meilleures (et pires) façons de communiquer la notion de risque en alimentation, l’Organisation mondiale de la santé citait d’ailleurs EWG en 2016: cette publication annuelle, lit-on, « entraîne des perceptions négatives des fruits et légumes chez le consommateur, un message qui va à l’inverse des conseils alimentaires sur l’augmentation de la consommation de fruits et de légumes ».
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