Largement inspiré du livre éponyme (et récit autobiographique considérablement exagéré) de Romain Gary paru en 1960, le film réalisé par Éric Barbier implique un colossal travail d’adaptation d’un roman dense, touffu et débridé.
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Le scénario et les dialogues d’Éric Barbier et Marie Eynard respectent l’essence fantasmagorique du roman, même si illustrer ce classique de Romain Gary en à peine un peu plus de deux heures relevait de la quasi-folie.
Chronique d’un amour immodéré
Récit initiatique narré avec la voix hors champ de Pierre Niney dans le rôle de Romain Gary, le film retrace l’histoire de l’écrivain, de son enfance houleuse en Pologne, entachée par l’antisémitisme dont sa mère et lui ont été victimes, jusqu’à ses prouesses diverses accomplies à l’âge adulte.
Mais avant toute chose, ce film raconte surtout l’amour immodéré que le jeune Roman (dont le prénom a plus tard été francisé en Romain) porte à sa mère et vice versa. Nina, cette femme exubérante, lui voue une affection doublée d’une admiration par moments étouffantes, comme si elle voyait dans son fils tout ce qu’elle n’a jamais vraiment pu être.
Tant chez la mère que chez le garçon, il y a une rage: la rage de vivre, d’être plus grand que nature, de se suffire l’un à l’autre. Cette relation ultra fusionnelle, parfois accablante, aveuglée et aveuglante est portée à bout de bras par Charlotte Gainsbourg qui personnifie Nina. C’est presque son film à elle, le récit de cette mère trop aimante, à la limite de la psychose.
D’ailleurs, Charlotte Gainsbourg nous a habitués à des rôles plus tranquilles. Rarement l’a-t-on vue interpréter une femme aussi exubérante. Dans La Promesse de l’aube, ce n’est pas Gainsbourg qui interprète exagérément son personnage, c’est Nina qui surjoue sa vie et qui met celle de son enfant sur un piédestal doré.
Le vrai, le faux, l’impossible et la mère-muse
Juive et divorcée, lorsque ses affaires tournent au vinaigre, Nina ne baisse jamais les bras. Gainsbourg, elle-même fille d’immigrant, est allée puiser dans ses souvenirs familiaux afin de personnifier cette femme qui demeure toujours forte malgré l’adversité.
Et Romain incarne ce garçon dont la mère a tout programmé de sa vie, dans un calcul presque maniaque et qui lui-même absorbe cette part de mythomanie. Elle le voulait écrivain, diplomate, militaire. Il a tout fait pour donner un sens à l’existence de cette matriarche à qui il vouait une grande admiration, mais également pour qui il a dû faire bien des sacrifices. Que penser de cette mère un peu folle, qui l’envoie même tenter d’assassiner Hitler avant de se raviser, lui faisant une scène en public ? Certes, on se demande où est la part de vérité, de mensonge. Dans cette vie portée par une mère aux ambitions excessives, l’émancipation de Romain passe par la réalisation des rêves que sa mère chérissait pour lui, même une fois à Nice, jusqu’à son engagement dans les Forces françaises libres durant la Seconde Guerre mondiale.
D’ailleurs, il ne faut jamais oublier que l’histoire qu’on a sous les yeux, c’est ça : une vérité maquillée, légèrement fabulée. Pierre Niney, sans doute un peu trop gringalet pour personnifier le « vrai » Romain Gary, contribue à cette sensation de maquillage de la réalité. Tout paraît toujours « trop » lorsqu’on aperçoit Niney à l’écran. Cette impression vient en partie du fait que l’histoire en elle-même est d’une exubérance impossible, entremêlant les faits avérés de la vie de Romain Gary et ceux, exagérés, qu’il a si bien esquissé dans son roman.
Dans cette œuvre au visuel plus que parfait, on a droit à une reconstitution très juste et toute en finesse des faits d’époque, des décors, des costumes et même des agissements des personnages. Cette saga romanesque, très léchée d’un point de vue esthétique, paraît parfois trop belle, quasi factice. Beau, ce film l’est très certainement. Barbier a eu les moyens de ses ambitions avec 24 millions d’euros (l’équivalent de 37 millions en dollars canadiens).
En toute fin de film, Niney rapporte cette citation issue du livre de Gary : « Avec l’amour maternel, la vie vous fait à l’aube une promesse qu’elle ne tient jamais. Chaque fois qu’une femme vous prend dans ses bras et vous serre sur son cœur, ce ne sont plus que des condoléances ». Peut-être est-ce Nina, cette mère au tempérament pétulant, la véritable muse du film.
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La promesse de l’aube
France, Belgique
130 minutes
En complément:
https://www.pieuvre.ca/2018/04/06/a-quiet-place-a-qui-voudra-bien-lentendre-film/