Superproductions violentes, jeux vidéos en zone guerre, parades militaires: on ne manque pas de nous faire miroiter les lauriers du front. Le documentaire Des hommes et de la guerre de Laurent Bécue-Renard présenté le 28 avril au Cinéma du Parc dans le cadre du RIDM + nous montre ce qu’on a tendance à omettre, que la vie des soldats demeure hypothéquée par le choc post-traumatique.
À première vue, on se demande ce que ces jeunes ex-soldats aux lunettes fumées, aux vêtements signés et qui font de l’attitude pour éviter d’expliquer ce qu’ils ont vécu au front ont d’anormal. Puis, à force de visionner ce long documentaire de plus de deux heures, on comprend que les tics et les tremblements de l’un et les infirmités à peine visibles des autres – marcher avec une canne pour être tombé d’un hélicoptère, être aveugle ou avoir des acouphènes – ne sont que la pointe de l’iceberg de ce qu’ils vivent psychologiquement.
« Comment être en couple quand tu dois focaliser sur toi-même? », lance un vétéran pendant la thérapie au centre de la Californie The Pathway Home. Le documentaire alterne les discussions intimistes en groupe sur ce qui s’est passé en Iraq, la zone de guerre outremer, et dans le quotidien des soldats auprès de leur femme, enfants, parents, proches et en société. Leur défi est d’extirper le climat de violence qui les habite tout en évitant de reproduire ce conditionnement violent lorsqu’ils interagissent avec leur entourage.
La ligne est mince, mais certains arrivent à concilier les deux alors que d’autres doivent se consacrer à la thérapie. Un soldat nous raconte que ses frères d’armes l’ont laissé sur-le-champ de bataille parce qu’ils croyaient qu’il était mort après l’explosion d’un obus. Quinze obus sont tombés par la suite et lui, il s’est senti comme un jouet. Un autre se réveille au milieu de la nuit, somnambule, il se pense en mission et tente de sauver sa famille. Un autre a peur que ses proches disparaissent et sa femme doit apaiser ses états de crise.
Le patriotisme reste ancré dans cette culture malgré tout.
Complexe
Le budget accordé aux dépenses militaires de 2014 aux États-Unis ( 609, 9 milliards dollars US ), est presque aussi élevé que l’ensemble des budgets militaires de la Russie, de l’Arabie saoudite, de la Chine, de la France, du Royaume-Uni, de l’Inde, de l’Allemagne, du Japon et de la Corée du Sud qui totalise 683, 3 milliards de dollars US, d’après le Stockholm International Peace Research Institute (Sipri).
Les entreprises de big data ont finalement réalisé le « complexe militaro-industriel » redouté par le président Eisenhower dans sa dernière adresse à la nation, le 17 janvier 1961, cette « industrie permanente de l’armement » qui rend les politiques publiques « captives d’une élite scientifique et technologique ». Son périmètre s’étend désormais bien au-delà des sous-traitants historiques de l’armée, le nouveau complexe se caractérise par une hybridation public-privé, lit-on dans le Monde diplomatique d’avril 2016.