Il y a 50 ans, le 3 avril 1968 avait lieu aux États-Unis la sortie nationale d’un film qui, un demi-siècle plus tard, est toujours considéré par plusieurs comme un monument. Pour l’histoire du cinéma, il y a un « avant » et un « après » 2001, l’odyssée de l’espace.
Au plan cinématographique, tout a été dit et redit sur ses silences (les 25 premières minutes ne comportent pas une ligne de dialogue, pas plus que les 23 dernières), sa trame musicale, sa lenteur, et sa finale psychédélique.
Mais ce qui met ce film dans une catégorie à part, c’est l’ampleur de son sujet: l’évolution passée, présente et future de l’espèce humaine, rien de moins. Avec l’intervention d’une mystérieuse intelligence extraterrestre représentée par ces étranges monolithes. Et avec le rôle tout spécial joué par une intelligence artificielle qui semble par moments plus humaine que les humains qui l’accompagnent dans le vaisseau spatial.
Là où la science-fiction nous avait habitués à des extraterrestres juste assez semblables à nous pour que leur technologie ne nous soit pas trop étrangère, ou à des rencontres entre eux et nous, amicales ou hostiles, dont les raisons allaient tôt ou tard être élucidées, 2001 nous laisse, 50 ans plus tard, avec davantage de questions que de réponses: qui sont les êtres qui ont laissé ces monolithes derrière eux ? Si « l’enfant des étoiles » qu’est devenu l’astronaute Dave Bowman est l’étape suivante de l’évolution, quelle en est l’intention?
Le réalisateur Stanley Kubrick a toujours refusé de remplir les cases vides, sinon pour dire, dès 1969, qu’il n’était que normal qu’on demeure devant de telles inconnues: « Puisqu’une rencontre avec une intelligence interstellaire avancée serait incompréhensible dans nos cadres de référence actuels, les réactions à cette rencontre feront appel à des éléments de philosophie et de métaphysique qui n’ont rien à voir avec les grandes lignes de l’intrigue elle-même. » Ce qui, en un sens, est peut-être la description la plus honnête d’un extraterrestre que la science-fiction ne nous ait jamais offerte, à des années-lumière des Vulcains et des Klingons de Star Trek.
Quant à l’intelligence artificielle du récit, l’ordinateur HAL9000, elle continue d’autant plus de fasciner qu’elle, en revanche, semble plus près du champ des possibles en 2018 qu’elle ne l’était en 1968. HAL possède des capacités cognitives surhumaines, mais la psychologie d’un enfant, comme l’a expliqué l’auteur Arthur C. Clarke dans son roman. Les créateurs de HAL n’ont pas vu venir l’émergence d’une conscience autonome chez lui, qui le conduit à vouloir se débarrasser de ces humains, devenus dans sa logique, encombrants pour la poursuite de la mission vers Jupiter. Même si l’humain finit par l’emporter dans le film, libre au spectateur d’imaginer ce vers quoi conduit cette évolution de l’humain et de sa création.
« Aucune espèce n’est éternelle, avait déclaré Arthur C. Clarke en 1968. Pourquoi devrions-nous nous attendre à ce que la nôtre soit immortelle? »
Que le successeur de l’Homo sapiens soit une intelligence artificielle ou un « enfant des étoiles », 2001 nous laisse devant des questions existentielles qui — très loin, là aussi, de la science-fiction traditionnelle — ne sont ni pessimistes ni optimistes. Sans doute une des raisons pour lesquelles ce film, 50 ans plus tard, a si bien vieilli.
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