En Chine, en plein coeur d’une ville moderne, remplie de gratte-ciels et autres énormités en béton, se dresse Shibati, le dernier quartier traditionnel chinois de cette métropole. Pendant 60 minutes, le cinéaste français Hendrick Dussolier explore cet univers condamné à la destruction dans le cadre du cycle mensuel RIDM+ organisé par les Rencontres internationales du documentaire.
Le progrès est en marche, et rien ne pourra l’arrêter. C’est du moins ce qui semble apparaître en bordure de Shibati, où attendent déjà des pelles mécaniques. Tout juste à côté des premières maisons construites un peu à la va-vite, on trouve les lumières hypnotisantes d’un gigantesque écran publicitaire, le bruit de la circulation automobile, probablement l’odeur de la pollution, le côté oppressant de la foule qui circule.
Cela ne veut pas dire que les choses sont nécessairement mieux à l’intérieur du quartier qui vit ses derniers jours. Tout y est construit n’importe comment, des déchets jonchent le sol, les gens qui y vivent sont soit des migrants sans le sou venus chercher un travail en ville, soit des habitants de l’endroit qui n’ont, eux non plus, pas grand chose dans leur porte-monnaie. De là à parler d’un bidonville, il n’y a qu’un pas.
Mais c’est aussi dans ce quartier étriqué, mal famé, que l’on semble retrouver une communauté tissée serrée. Les gens s’entraident, discutent, donnent le peu qu’ils ont pour sortir un proche ou un parfait inconnu du pétrin. Il faut voir ces gens offrir à manger au réalisateur, alors que l’on se doute bien qu’ils ne mangent probablement déjà pas à leur faim.
Que faire, alors? Les laisser vivre une vie de misère, heureux dans leur crasse? Ou les expulser manu militari pour ensuite les disperser à des kilomètres à la ronde, dans des tours anonymes où ils disposeront de logements modernes, certes, mais qui auront autant de charme qu’un condo fabriqué par Samcon?
Plus qu’une série de portraits, Derniers jours à Shibati est une réflexion sur la gentrification et la modernité. Bien entendu, l’exemple chinois est extrême, surtout si on le compare à la gentrification de Montréal, par exemple. Toutefois, les conséquences sont bien souvent les mêmes: les pauvres, qui habitaient les anciens quartiers, sont laissés à eux-mêmes. Et en installant de rutilantes tours relativement modernes, on se prive aussi de toute l’âme d’un quartier, tout ce qui fait de l’endroit un lieu où il fait bon vivre. Et cela, impossible de le fabriquer en usine; il faut laisser le temps aux résidents pour que ceux-ci le créent. N’en déplaisent aux entrepreneurs de ce monde.
En complément:
https://www.pieuvre.ca/2018/04/02/father-figures-test-de-paternite/