Les programmes #30secavantd’ycroire et Actufuté visent à éduquer les jeunes afin de reconnaître les fake news. La sensibilisation préventive aux dérapages médiatiques va au-delà de cette nouvelle tendance pour le philosophe Noam Chomsky et l’ex-président de l’Équateur Rafael Correa.
Avec l’objectif de développer l’esprit critique des jeunes afin qu’ils soient en mesure de séparer les vraies des fausses nouvelles, deux programmes d’éducation aux médias sont en chantier, d’après les numéros d’automne et d’hiver du magazine Trente. L’ex-directrice de l’information à Radio-Canada Line Pagé s’est associée à la FPJQ et a formé un comité de journalistes qui a obtenu une subvention de 19 000$ du ministère de l’Éducation pour créer et diffuser du matériel pédagogique via le site Web #30secavantd’ycroire. Alors que la Fondation pour le journalisme canadien et CIVIX veulent fournir des ressources aux jeunes de 9 à 19 ans d’environ 400 écoles au Québec en développant un nouveau programme de littératie médiatique, Actufuté, dont les consultations avec différents experts ainsi que le développement du matériel pédagogique et promotionnel sont financés par une bourse de 500 000$ de la part de Google Canada.
À première vue, la mise en place de ces deux initiatives est réaliste et apparaît comme une solution pour éloigner les jeunes de ce qui peut les induire en erreur. Cependant, si l’on tient compte de la fabulation autour des nouvelles technologies, du problème de l’infobésité et de l’emploi du béhaviorisme, l’avènement d’internet a préparé le terrain pour la circulation des fausses nouvelles. Ainsi, la création d’un site Web ou le financement du plus important moniteur de recherche au monde semble être un moyen de s’empêtrer dans cette confusion. Amener les jeunes à développer une culture générale, voire un esprit critique, n’est-il pas le rôle du système d’éducation?
L’éducation aux médias semble un placebo pour l’éducation à la société.
Piège du showman
À propos des fausses nouvelles, le philosophe Noam Chomsky arrive à un constat plus radical. «La désillusion par rapport aux structures institutionnelles nous a menés au point que les gens ne croient plus dans les faits. Si l’on a confiance en personne, pourquoi aurait-on confiance dans les faits», a-t-il affirmé lors d’un entretien avec El Pais le 10 mars. «Les médias sont tombés dans la stratégie de Trump. Chaque jour, il leur donne un attrait ou un mensonge afin de se mettre sous les projecteurs et d’occuper le centre de l’attention. Entre-temps, l’aile sauvage des républicains développe ses politiques d’extrême droite, réduisant les droits des travailleurs et abandonnant la lutte contre les changements climatiques, qui précisément est quelque chose qui pourrait nous exterminer», poursuit le philosophe.
Au sujet du glissement de la politique vers la droite, Noam Chomsky explique : «Dans l’élite du spectre politique, oui, on observe cette tendance, mais pas dans la population en général. Depuis les années 1980, on vit une rupture entre ce que les gens veulent et les politiques publiques. C’est facile de le constater avec les impôts. Les enquêtes démontrent que la majorité veut des impôts plus élevés pour les riches, mais ce n’est jamais appliqué. Devant cela, on promeut l’idée que réduire les impôts comporte des avantages pour tout le monde et que l’État est un ennemi. Par contre, à qui bénéficient les coupes dans les routes, dans les hôpitaux, dans l’eau courante et dans l’air respirable? »
La concentration de la richesse dans quelques mains privées s’accompagne de la perte du pouvoir par la population en général, rappelle le philosophe.
Rien que les faits
Le phénomène des nouvelles gauches en Amérique latine a atteint son apogée en 2009 par la gouvernance de la gauche dans huit des dix principaux pays d’Amérique du Sud. Aujourd’hui, il ne reste plus que trois gouvernements progressistes de cette vague (Venezuela, Bolivie et Uruguay), résume l’ex-président de l’Équateur (2007-2017), Rafael Correa qui revient sur la couverture médiatique sous sa présidence dans le Monde diplomatique de février.
D’emblée, il note que les difficultés spécifiques du Brésil ou du Venezuela servent à illustrer l’échec du socialisme, alors que le succès du développement en Uruguay et de la macroéconomie en Bolivie sont rarement cités en exemple. Pour une partie des médias, la récession continentale serait le résultat des options politiques de gauche, alors que Rafael Correa l’attribue à un phénomène lié aux structures de l’économie latino-américaine.
L’ex-président relativise le thème de la corruption qui fragilise les processus nationaux populaires. Pour la droite, la lutte contre la corruption prend la forme de l’offensive politique par le combat contre le narcotrafic dans les années 1990 ou contre le communisme dans les années 1970, alors que ces gouvernements autorisent l’évasion fiscale menant au scandale Odebrecht, par exemple. Pour la presse, la corruption naît au cœur de l’État, du système public.
On peut connaître une prospérité objective et demeurer dans un état de pauvreté subjective, fait remarquer Rafael Correa. En dépit des améliorations de son niveau de vie, on continue à se sentir pauvre, non pas par rapport à ce dont on dispose ou on disposait auparavant, mais par rapport à ce à quoi on aspire. Ainsi, la gauche a toujours lutté à contre-courant contre un «style de vie imaginé à New York».
«La SNCF coûte 1000 euros à chaque Français, même ceux qui ne prennent pas le train», une fausse nouvelle au service du gouvernement français rappelant le «chaque Français paierait 735 euros pour l’effacement de la dette grecque» qui a contribué à l’étouffement financier d’Athènes en 2015, lit-on dans l’éditorial du Monde diplomatique de mars.
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