En optant pour la droite, l’extrême droite et la voie antisystème aux élections générales du 4 mars, les Italiens remettent en question l’Union européenne. Devenue premier client et premier fournisseur de biens en Europe, l’Allemagne compte embaucher des travailleurs pour pourvoir 1 183 000 postes vacants à la suite d’un revirement électoral similaire.
Le 26 juin 2017, après six jours de grève, les 12 500 employés de l’usine géante de Volkswagen à Bratislava en Slovaquie ont obtenu une augmentation de salaire de 14,1% sur deux ans, une prime de 500 euros et un jour de congé additionnel, rapporte le Monde diplomatique du mois de septembre 2017. En 2016, ces ouvriers du premier groupe automobile mondial ont assemblé 388 000 véhicules, dont la Porsche Cayenne, la Audi Q7 et la Volkswagen Touareg presque exclusivement destinées à l’exportation en Europe occidentale, en Chine et aux États-Unis. Pour une productivité équivalente aux ouvriers allemands qui gagnent 2 070 euros par mois au début de leur carrière, ceux de Bratislava gagnent trois fois moins.
Si l’on rapporte le nombre d’automobiles produites à celui des habitants, la Slovaquie serait le premier fabricant au monde. Entre 2000 et 2016, les nouveaux modèles du groupe Volkswagen, en plus de PSA Peugeot Citroën et Kia, ont porté la production de 200 000 à plus d’un million de voitures par an. «Je pense que les syndicats sont trop faibles, et cela explique la montée de l’extrémisme. La grève a révélé une frustration très forte. Les travailleurs slovaques ne comprennent plus la faiblesse de leurs salaires par rapport à ceux de leurs camarades occidentaux. Ils s’estiment mal payés uniquement parce que Slovaques, donc victimes de xénophobie. Et il devient alors facile de leur faire croire que l’argent de l’Europe va essentiellement aux corrompus, aux migrants ou aux Roms», confie l’activiste Karol Klobusicky.
La plupart des organisations politiques ont fini par soutenir le mouvement de grève, comme le président du Parlement Andrej Danko, du Parti national slovaque, et le premier ministre populiste Robert Fico. «Il a compris que nous allions l’emporter, s’amuse le délégué syndical, M. Jan Macho. En outre, cela n’engage pas le gouvernement à payer, comme pour les enseignants et les infirmières…»
Une professeure de la ville de Košice qui enseigne l’histoire et les arts à des jeunes de 10 à 15 ans a confié au Monde diplomatique qu’elle gagne 600 euros par mois. «C’est toujours mieux que les infirmières, comme ma sœur, qui gagnait 400 euros. Elle a fini par partir en Autriche…», poursuit-elle. Les revenus réels des Slovaques ont augmenté d’environ 50% entre 1970 et 1985, mais ils ont chuté dans les années 1990 malgré la fin de l’URSS. Le produit intérieur brut n’a retrouvé le niveau de 1989 qu’en 2007.
«Les communistes n’ont jamais réussi à introduire des sentiments anti-occidentaux, alors que ceux-ci deviennent très forts aujourd’hui», constate le politiste et membre du conseil de l’Académie slovaque des sciences Juraj Marusiak.
Maquiladoras de l’Est
À partir des années 1990, l’Allemagne pratique la «délocalisation de proximité» avec les pays voisins à l’instar de ce que les États-Unis ont mis en place avec leurs usines installées au Mexique, les maquiladoras. Dès 1986, le droit européen autorise l’exportation temporaire d’un bien intermédiaire dans un pays non membre où il sera transformé, façonné, c’est-à-dire perfectionné, avant d’être réimporté dans son pays d’origine en bénéficiant d’une exemption partielle ou totale de droits de douane, explique-t-on dans le Monde diplomatique de février.
Après l’effondrement de l’URSS, l’élargissement des quotas d’importation en provenance des pays d’Europe centrale, dont la Slovaquie, ouvre des perspectives euphorisantes au patronat allemand, poursuit le journaliste. «Les investisseurs savent que les Slovaques travaillent bien et ne protestent jamais. Ils ont bénéficié au maximum du fort taux de chômage et de la peur des salariés de perdre le peu qu’ils avaient. Mais, aujourd’hui, notre niveau de qualification nous permet de ne plus nous laisser intimider par les menaces de délocalisation», confie le délégué syndical Jan Macho dans le Monde diplomatique de septembre.
Les investissements directs étrangers allemands vers les pays d’Europe de l’Est sont multipliés par 23 de 1991 à 1999. Ainsi, les salaires moyens du groupe de Visegrád (Pologne, Hongrie, République tchèque et Slovaquie) représentent un dixième de ceux des Berlinois en 1990, un quart en 2010.
Embauche massive
Selon une étude de l’Institut de recherche allemand sur le marché de l’emploi (IAB), il y a 1 183 000 postes vacants, soit 128 000 de plus que l’année dernière, rapporte La Vanguardia le 6 mars. L’Allemagne a surtout de la misère à pourvoir les postes dans le domaine du secteur industriel et de la construction. La majorité de ces emplois, soit 918 000 postes, se trouvent dans la partie orientale du pays où se situent la plupart des industries. De plus, 265 000 postes sont vacants dans l’est du pays. Il s’agit de la région qui borde les pays du groupe de Visegrád dont les habitants ont voté pour l’extrême droite aux dernières élections.
Afin d’attirer les travailleurs étrangers, les autorités allemandes ont mis en place des programmes de formation pour les travailleurs en provenance d’autres pays aux prises avec des taux élevés de chômage chez les jeunes comme c’est le cas en Hongrie, en Roumanie, en Bulgarie et en Espagne.
À l’embauche massive s’ajoute la transformation du ministère de l’Intérieur en ministère de l’Intérieur, de la Construction et de la Patrie pour satisfaire l’électorat de cette région, rapporte un autre article de La Vanguardia du 6 mars. Patrie?
https://www.youtube.com/watch?v=gvknMfdD4t0
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