Le dramaturge Olivier Choinière convie le public à jouer à Jean dit lors d’une messe noire au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui (CTD’A) du 20 février au 17 mars, exorcisme garanti.
Ayant vécu un traumatisme pendant sa jeunesse, Luc a juré qu’il dirait toujours la vérité. À l’aide du jeu Jean dit, Jacques a dit pour les Français, par lequel on doit exécuter tout ce qui a été énoncé à la suite de la mention «Jean dit» afin de ne pas être éliminé, il implique une femme dans cette conviction de ne jamais plus mentir. Cette mère implique son fils, sa meilleure amie, celle-ci son patron et ainsi de suite. Admettre ses mensonges existentiels sur lesquels on a carburé pendant des années incarne la porte d’entrée de cette secte attisée par la musique du groupe Jean Death sur scène, sous l’autel rouge dorée.
À chaque fois qu’un personnage se joint au groupe des disciples de la vérité, le talentueux Sébastien Croteau au micro entérine l’adhésion de son chant. «Le death metal agit à la fois comme repoussoir et comme quelque chose qui encercle. Je l’utilise pour faire basculer les personnages vers une perte de repères et pour tenter de brasser notre côté intellectuel, rationnel, logique», a confié Olivier Choinière au quotidien Le Devoir. Ainsi, ce choix musical supporte la cérémonie. Malgré la disposition classique de la salle, la scène devant les gradins, il ne s’agit pas d’une pièce de théâtre qui raconte une histoire se refermant sur elle-même.
Tous les personnages ont un nom, inscrit sur un «name tag», qui permet de les identifier lors des scènes de mea-culpa thérapeutique. Cependant, ce sont des archétypes dont le cumul des conversions présente une gradation sociale en passant par le professeur d’histoire, la médecin et la journaliste. Plus on accepte de dire la vérité, plus le groupe prend de l’envergure psychosociale.
Les sonorités death metal qui nous choquent au commencement de la pièce viennent, petit à petit, nous bercer dans cette ode à la subversion.
Édifice social
«À bien y penser, la vérité n’est pas le vrai sujet du spectacle. C’est plutôt de notre quête d’absolu dont il est question, de tout ce qui pousse à croire qu’il existe quelque chose de plus grand que la plate matérialité de nos existences. C’est ce qui rend le mot «vérité» si dangereux. Qui s’empare de la vérité s’empare également du pouvoir», écrit le dramaturge.
Quand un politicien, une femme riche et l’exception à la règle, le personnage qui remet en question la notion de vérité se mettent de la partie, l’éthique et le religieux s’emparent de la réflexion commune, incluant le public.
Énonçant une parabole d’un lion élevé par les moutons, l’itinérant est probablement le personnage le plus drôle de la pièce puisqu’il canalise l’envers de la réussite. Son jeu est marqué par la singularité du corps.
La pièce dépeint la société comme un veau d’or prenant la forme de la ruche de la Fable des abeilles de Bernard Mandeville. Cette genèse du capitalisme raconte l’histoire d’une ruche où prospèrent tous les métiers et les vices en tant que cause de cette prospérité faisant de chaque habitant un voleur potentiel. Se sentant coupables, les abeilles de cette genèse du capitalisme décident de devenir honnêtes et la ruche dépérit.
Olivier Choinière met en scène ce moment subversif par un engrenage via le jeu Jean dit qui ressemble davantage au culte des activistes du film Cecil B. Demented (2000) de John Waters en croisade contre la fausseté des superproductions.
Pour tous les lions égarés…
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