Ils sont trois. Trois frères. Trois princes. Trois cœurs à aimer. Trois cœurs pleins de secrets, de non-dits. Qu’est-ce qui s’est passé dans la courbe du chemin des passes dangereuses?
Michel-Marc Bouchard n’a plus à faire ses preuves. Ses textes ont été traduits dans de nombreuses langues et ont été montés à travers le monde, mais, surtout, elles continuent à résonner chez nous. C’est au théâtre Duceppe, jusqu’au 24 mars, que la nouvelle mouture de la pièce Le chemin des passes dangereuses a décidé de poser ses valises.
La mise en scène se jumèle parfaitement avec le texte et semble aller de soi. Rien n’est forcé. Les acteurs évoluent aisément dans l’entièrement du décor, qui évoque une paroi rocheuse de la forêt où ils errent. La scénographie en pente, créée par Claude Goyette, illustre bien le déséquilibre et la fragilité des personnages. Un écran placé en arrière-scène projette l’environnement qui entoure les protagonistes et change selon le ton, le temps de la journée et les répétitions dans le texte. Cela permet aux spectateurs de suivre l’histoire dans le temps et l’espace de manière efficace. La metteuse en scène Martine Beaulne a bien su capter l’essentiel du texte et le monter habilement sur scène. L’écriture rythmée donne une belle musicalité à l’heure quinze que dure la pièce. Le public semblait écouter attentivement, assis au bout de son fauteuil.
Carl, Ambroise et Victor sont incarnés respectivement par Félix-Antoine Duval, Maxime Dénommée et Alexandre Goyette. Chacun son stéréotype, chacun son québécois typique. Carl, le gars intelligent, mais sans ambition, qui dit avoir le bonheur facile, mais qui est aveugle à ce qui l’entoure, comme s’il était plus heureux en étant imbécile. Ambroise, l’homosexuel amer qui a quitté son patelin pour aller s’installer dans la grande ville où il dirige une galerie d’art. Pour ajouter au drame, son copain se meurt du SIDA. Puis, Victor, le frère benêt, qui boit de la bière, va à la pêche, voit des femmes; un petit cerveau dans un corps massif. Les trois acteurs les interprètent parfaitement, ces hommes si différents, mais mutilés par la même blessure. Ils réussissent à faire résonner ces clichés et à leur donner une humanité, qui fait que le spectateur à l’impression d’être l’intrus d’une drôle de réunion familiale régionale.
Par contre, cette production n’apporte rien de particulièrement nouveau à la scène théâtrale actuelle. Les procédés ont déjà servis cent fois. Le spectaculaire utilisé ne surprend pas. Cependant, parfois, il faut simplement se laisser happer par les thèmes ; par ce qu’un texte ou une interprétation nous fait ressentir. Ce qui fonctionne bien dans cette nouvelle mouture, c’est de réaliser que les thèmes sont toujours d’actualité. Une famille comme la leur, nous en connaissons tous une. L’apprentissage de la tendresse, l’amour trop intense d’un frère pour un autre, la fidélité familiale aveugle, la culpabilité, le rejet de la différence, peu importe la forme, sont des principes auxquels il est facile de s’identifier, qui viennent faire résonner une corde sensible. Certes, il faut se renouveler, il faut vouloir aller plus loin, mais parfois, c’est bien de laisser les mots nous toucher droit au cœur, simplement. Et l’histoire fusionnelle de ces fils, ces frères, ces gamins perdus avec une quête de bonheur abîmé, ça m’a eu.
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