Je n’étais pas initiée au travail d’Hanna Abd El Nour; peut-être cela a-t-il modifié ma réception de Voyages, qui débutait cette semaine à La Chapelle.
L’heure et demie en salle n’est pas de tout repos. Le metteur en scène questionne avec vigueur le modèle de représentation classique par le choix de l’art multidisciplinaire et par son écriture scénique décomplexée… Mais, par moments, on hésite entre deux sanctions: désinvolture ou inconsistance.
Quand on entre dans la salle intime de la Chapelle, le sable vient d’être ratissé au sol et on croit se retrouver devant un jardin zen. On se dit que rien ne pourra être innocent, que tout laisse une trace.
Le premier tableau est méditatif, les éclairages de Martin Sirois ont une vie propre en parallèle de celle des interprètes. La musique de Radwan Moumneh (Jerusalem in my heart) nous transporte doucement, alors que les corps habitent l’espace avec lenteur, calme. La voix du chanteur, présent sur scène, puis celle de Béland prennent toute la place, on se laisse absorber durant ces moments.
D’ailleurs, dans ce spectacle qui prétend à parler de territoires et où les interprètes cohabitent sans interagir, le seul territoire partagé est celui de l’environnement sonore. Le crissement des pas, les rythmes des corps, les voix, le bouzouki et les bruits blancs et électroniques contrôlés par Moumneh, nous donnent accès au mieux de l’œuvre. Des moments comme des paysages où les visages apparaissent et disparaissent dans le souffle de la lumière qui s’épuise. Certaines images sont belles.
Malheureusement, les tableaux sont assez inégaux en ce qui concerne ce qu’ils nous font ressentir et réfléchir. Notre attention, éclatée pendant la majorité de la représentation, ne trouve que de rares moments de repos et d’authenticité, entre autres à travers un monologue de l’impressionnant artiste qu’est Marc Béland, et des moments de corps de Stefan Verna.
Le choix de la circularité et de la répétition nous fait réfléchir à la notion de temps, d’histoire personnelle, cela beaucoup plus que les intertitres clamés par Sylvio Arriola, qui nous ramènent à un premier degré de compréhension.
Certains fragments sont éloquents, de bonnes idées sans assise claire. On a plutôt l’impression d’assister à une longue exploration improvisée qui prend pour balises les stéréotypes du théâtre expérimental (déclamer des phrases en dehors de tout contexte, courir à travers la scène, s’adresser au public, disparaître à la fin de la représentation)…
Peut-être était-ce l’intention de l’œuvre, qui est, il faut l’avouer, assurément radicale. Mais cette radicalité n’a pas de discours clair et on se perd dans la structure, sans toucher le fond de l’œuvre.
L’approche du metteur en scène est intéressante en soi, de par la liberté qu’il se donne et le traitement franchement poétique qu’il prône… Mais, il faut savoir apprécier le travail pour ce qu’il est, puisque le résultat ne nous fait pas voyager très loin.
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