On ne pourra jamais dire que Jean-Jacques Pelletier ne sait pas s’adapter au discours contemporain: après le Bain de sang, sorti en 2016, voilà que la suite, Deux balles, un sourire, un roman policier publié aux éditions Hurtubise, mélange revendications vertes et populisme à la Donald Trump.
Après les baignoires remplies de sang, voilà donc que des dirigeants d’entreprises minières canadiennes sont retrouvés assassinés, un sourire sur le visage et deux balles dans le cou. Parallèlement, un groupe « terroriste » environnementaliste, Vert Demain, revendique ces meurtres.
Il n’en fallait pas plus pour que l’inspecteur Henri Dufaux et son équipe spéciale sautent sur l’affaire pour tenter de tirer le tout au clair. Il apparaîtra cependant bien vite que Dufaux lui-même semble être visé par des criminels. Qui est donc derrière cette série d’événements funestes?
Parallèlement à cette vague criminelle qui suscite l’appui du public – après tout, qui n’aime pas que des gens exploitant, pillant et polluant la planète obtiennent « ce qu’ils méritent »? – Dufaux sera de nouveau confronté au Service canadien de renseignement de sécurité, ainsi qu’à certains dirigeants de la police de Montréal qui cherchent à lui mettre des bâtons dans les roues.
Si Bain de sang était de la bonne littérature policière, Deux balles, un sourire réussit à augmenter le niveau d’un cran: les guerres intestines au SPVM, l’influence discrète mais omniprésente des services d’espionnage, les crimes qui se multiplient, le doute qui grève de plus en plus la volonté de Dufaux, les « absences » de ce dernier, la disparition progressive de la voix intérieure de sa femme décédée… Tout cela fait du roman une oeuvre sombre, torturée, et délicieusement prenante.
Plus on tourne les pages, plus on a l’impression que la situation est inextricable, que les méchants vont gagner, que Dufaux devra baisser les bras, incapable de surmonter des obstacles trop nombreux pour l’emporter. Et pourtant…
Roman plus solide que le précédent de la série, Deux balles, un sourire comporte toutefois ce qu’il est possible d’appeler « les tics » de l’auteur. Des médias complaisants, voire stupide, un public qui se laisse mener par le bout du nez, d’étranges groupuscules qui semblent avoir tous les pouvoirs, et l’existence d’une nébuleuse criminelle tout juste hors de portée des forces de l’ordre; tout cela a été joué et rejoué dans les précédents livres de l’auteur, et, bien franchement, l’ensemble commence à sentir le réchauffé.
Il serait temps que Jean-Jacques Pelletier brasse un peu plus les cartes. Pourquoi pas dans une éventuelle suite? Après tout, il est impensable que l’auteur ne s’en tienne qu’à deux titres. D’autant plus qu’après deux romans, justement, le public s’est attaché à ce vieux grincheux qu’est Henri Dufaux…
Deux balles, un sourire, de Jean-Jacques Pelletier, publié chez Hurtubise; 437 pages.
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