Gaza isolée. Gaza sous les bombes. Gaza sous la pression de ses propres factions en proie à d’éternelles luttes intestines. Dans Gaza dans la peau, paru chez l’Aube noire, l’auteure Selma Dabbagh trace un portrait intimiste et puissant de cette bande de terre vouée aux gémonies, à la fois lueur d’espoir et épine dans le flanc de la cause palestinienne.
Gaza, donc. Où les interventions militaires israéliennes font presque partie du décor. Dans ce microcosme étouffant, le jeune Rashid obtient un billet de sortie pour Londres, pour aller y compléter des études. Il veut aussi y retrouver la femme qui lui est tombée dans l’oeil.
Quant à Iman, la soeur jumelle de Rashid, la destruction progressive de la société gazaouie, la pousse à vouloir s’impliquer, à faire changer les choses. Mais comment changer les choses, à moins de se tourner vers l’extrémisme, de se radicaliser? Quant à Sabri, le frère aîné, il est confiné à vie dans un fauteuil roulant, gravement blessé aux jambes lors d’une explosion qui a tué sa femme et son enfant.
Ils sont trois, trois adultes encore jeunes, trois personnes qui espèrent mieux, qui veulent tourner la page, mais qui semblent irrémédiablement liés à Gaza. C’est leur terre, après tout. Leur domicile. Vaut-il mieux se rendre chez le père, réfugié dans le Golfe, dans un luxe de pacotille, au sein d’une société qui a oublié la lutte palestinienne, le combat contre l’oppresseur israélien? Ou faut-il plutôt rester et se battre? Mais se battre pourquoi? Et comment?
Gaza dans la peau, c’est le roman de l’attente. L’attente douloureuse d’une solution qui a déjà probablement fait son temps. L’attente d’un improbable sauveur. L’attente de quelque chose qui changera un peu l’ordinaire fait de déchirements, de destruction et de misère.
Mais ce roman de Selma Dabbagh n’est pas un récit à sens unique. Les délicates questions de l’identité nationale, de l’appartenance politique et de la résilience des peuples sont ici abordées sur une toile de fond bigarrée, aux couleurs des multitudes de factions, de groupes et d’intérêts particuliers qui caractérisent la vie géopolitique dans cette région particulièrement difficile depuis plus d’un siècle.
D’aucuns pourraient affirmer que Gaza dans la peau est un livre qui provoque le malaise, probablement parce qu’il n’offre pas de porte de sortie. À cela, on répondra que le roman est fidèle à son matériau qui a servi d’inspiration: une terre quasiment exsangue dont l’avenir intéresse de moins en moins, et dont l’appartenance à une région-poudrière la condamne pratiquement à l’oubli. À lire.
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