Christine Plante
S’il est un film de peu de mots, c’est bien celui que Podz nous sert depuis hier sur un plateau médical. Scalpel, bistouri, alcool, fusil de chasse… Anatomie d’un chirurgien qui opère sa vengeance à froid.
À l’occasion de la première publique des Sept Jours du Talion, l’ambiance dans la salle comble était à couper au couteau. Un silence inconfortable dès les premiers instants du long métrage, où très vite, s’installent les bases du scénario décadent adapté du roman de notre Stephen King québécois, Patrick Sénécal. En dix minutes, on découvre une petite famille heureuse et sans histoire, papa chirurgien, maman artiste, une fillette jusque-là souriante, ou du moins jusqu’à ce qu’elle soit brutalement séquestrée, violée, puis abandonnée sur le bord de son chemin quotidien, tel un animal qu’on a violemment heurté en voiture avant de prendre la fuite sans s’y attarder davantage. Une scène d’autant plus insoutenable que les policiers, retrouvant le cadavre, n’arrivent pas à empêcher le père de constater la cruauté animale sur le corps de sa petite fille souillée, inerte, presque défigurée. Très vite, l’assassin est identifié, arrêté, embarqué, médiatisé, puis embusqué par Bruno Hamel, un père aveuglé par sa soif de vengeance et interprété magistralement par un Claude Legault stoïque et silencieux.
Les 100 minutes suivantes sont la descente dans les méandres de son âme blessée, mise en scène dans un chalet isolé, un huis clos sur sept jours où bourreau et victime se relancent constamment, et où la réalisation parvient à nous faire douter de nos limites. L’absence de musique et des dialogues débités au compte-goutte soulignent d’autant plus la force du jeu de Claude Legault (Minuit le soir, Les doigts croches) et de Martin Dubreuil (Dédé à travers les brumes), le pédophile qui mettra toutes les stratégies en œuvre pour atténuer ses souffrances – déni, insultes, aveux, excuses, provocation, supplications.
Mais au-delà du thriller, Les Sept Jours du Talion est un film qui porte sur le deuil. Le deuil d’un père détruit, de sa femme impuissante devant son isolement, mais aussi sur les questions éthiques que soulève la réaction à avoir face à une telle épreuve, ou le dilemme de la célèbre loi du Talion, « œil pour œil, dent pour dent ». Et c’est justement cette portion humaine du scénario qui fait toute la richesse de l’œuvre.
Il y a bien quelques bémols – si peu – à cette réalisation résolument maitrisée de Podz (Minuit le soir, C.A.). Je me contenterais de les rassembler tous sous l’étiquette «Limites de l’adaptation d’un livre de plus de 300 pages au grand écran». Le personnage de l’inspecteur de police, interprété par le toujours aussi sympathique Rémy Girard, manque un peu de profondeur. On devine que les dispositions psychologiques des différents protagonistes sont bien plus étoffées dans la version littéraire, mais tout de même, on réussit ici à aller à l’essentiel et à raconter l’histoire par l’image. Seule.
Un film donc, qui vous fera crisper de moiteur. Avis aux junkies du genre, tous les procédés cinématographiques les plus efficaces y passent, mais avec une profondeur exquise. En somme, imaginez l’inconfort de «Saw» 1 à 6, mais avec la lourdeur des émotions d’un roman de Marie Laberge. Et sans vouloir dévoiler de punch, je vous promets qu’au tout dernier instant du film, après deux heures de voyeurisme sanguinolent, le duo Podz-Legault réussit l’impossible : vous sourirez.