Tout ne va pas toujours pour le mieux dans les grandes multinationales, toutes florissantes soient-elles. Des crises secouent la gestion de ces entreprises dont les méthodes causent parfois plus de tort que de bien. C’est ce dont il est question dans le tout premier long-métrage de Nicolas Silhol. D’abord présenté dans le cadre du Festival Cinemania, Crise R.H., un thriller psychologique intense et angoissant, est sorti en salles au Québec le 17 novembre dernier.
Au début du long-métrage, une mise en garde nous prévient que « tous les personnages du film sont fictifs » et que « seules les méthodes de management sont vraies ». Effectivement, Crise R.H. évoque des méthodes de gestion des ressources humaines qui sont utilisées dans plusieurs entreprises à travers le monde.
Dans ce cas-ci, l’histoire racontée se passe dans la filiale française d’une multinationale et tourne autour du personnage d’Émilie Tesson-Hensen (Céline Sallette), directrice des ressources humaines dans un des services situés à Paris. Son patron et ancien professeur d’université, Stéphane (Lambert Wilson) est allé la chercher directement à Londres, où elle vivait avec son mari et son garçon, afin qu’elle mette son plan à exécution. Il l’en croit capable, il sait qu’elle a les reins solides.
Jusqu’où peut-on aller pour son entreprise?
En effet, Émilie fait preuve de grand sang-froid et sait habilement manipuler les travailleurs afin qu’ils s’imaginent que ce sont eux, au fond, qui ont pris la décision de se mettre en mobilité ou de quitter l’entreprise, alors qu’il n’en est rien. « Le rôle des ressources humaines est de faire en sorte que le salarié accepte son sort ; et non de lui dire qu’on n’a plus besoin de lui. »
Être proactif, voilà ce qu’on attend des salariés et des cadres dans cette entreprise. D’ailleurs, Émilie a été embauchée par son ancien professeur pour faire le « sale boulot », c’est-à-dire appliquer ses méthodes et licencier les employés… sans les licencier.
Tout va (relativement) bien jusqu’à ce qu’un employé qui dépend directement d’elle et qu’elle a refusé de rencontrer à maintes reprises met fin à ses jours en se jetant en bas de l’immeuble, sous le regard horrifié de ses collègues. Suite à ce funeste événement, une enquête plonge toute l’équipe dans un moment de grande tension, surtout pour Émilie et Stéphane, qui semblent vouloir rejeter la faute sur l’autre. D’abord entièrement derrière Émilie, son supérieur se retourne peu à peu contre elle lorsqu’il se rend compte que l’entreprise est sur les charbons ardents.
Sallette et Wilson: un duo impressionnant
Céline Sallette est, comme toujours, grandiose. D’abord dure à cuire, ambitieuse, à mesure que la boîte est infiltrée par une inspectrice du travail et que la vérité sort au compte-goutte, elle devient torturée. Elle se croit responsable de la mort de cet employé et on ne sait pas très bien si son changement de cap relève réellement de l’amende honorable ou bien de la peur de devenir la seule à être sacrifiée au sein de l’entreprise.
Lambert Wilson interprète à merveille ce patron qui, derrière sa belle gueule et son assurance, cache une facette bien plus glauque. Loin d’être aussi magnanime qu’il le prétend, il prend tous les moyens possibles pour mettre son plan à exécution.
Violaine Fumeau tient le rôle de l’inspectrice du travail et joue de manière assez juste. Toutefois, on peine à croire qu’elle se lie presque d’amitié avec Émilie lorsque celle-ci fait volte-face et décide de dénoncer les méthodes managériales de son entreprise.
Mais quel dénouement?
Au-delà de la fiction, Crise R.H. traite de l’éthique du travail, des enjeux qui poussent les cadres et les salariés à tout faire pour conserver leur emploi de même que des pratiques managériales toxiques. En outre, il s’agit d’un long-métrage qui bouleversera le spectateur et tout spécialement s’il a déjà vécu de pareilles situations et du harcèlement psychologique en milieu de travail.
Presque tout le film nous tient en haleine et nous cloue à notre siège, à mesure que l’angoisse nous gagne, scène après scène. Tantôt cyniques, tantôt inflexibles, les débats internes, les crises morales et les relations entre les personnages provoquent toute une gamme d’émotion chez le spectateur. Toutefois, on a l’impression d’assister à un dénouement quelque peu convenu, comme si le réalisateur devait à tout prix clore son œuvre avec un « certain » happy ending.