Au tournant du 20e siècle, la signature d’accords économiques, les manifestations altermondialistes ainsi que le développement du tourisme ont ouvert les frontières du globe. L’essai Nouvelles relations internationales de l’ancien diplomate et co-directeur du RAMSES pendant 14 ans à l’Institut français des relations internationales (IFRI), Philippe Moreau Defarges paru aux Éditions du Seuil aiguille le lecteur sur les grandes mutations du dernier quart de siècle.
Cet essai format poche prend le relais des deux volumes de Relations internationales qui a constitué un classique depuis 25 ans, rappelle l’éditeur. Alors les petits caractères, la concision et les développements point par point sont de mise pour fournir l’essentiel du contenu et faciliter la recherche. Prenant le temps d’expliquer les grands ensembles comme l’Organisation des Nations unies (ONU), le chercheur passe également au peigne fin les détails qui les contraignent comme la situation en ex-Yougoslavie dans le cas de l’ONU. Afin de démontrer l’utilité d’un tel outil de référence pourquoi ne pas analyser, parmi d’autres, l’enjeu de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE) avec le Brexit?
De prime abord, l’UE met sur pieds des institutions supranationales, mais son manque de légitimité provient des difficultés sociales et économiques, et aussi des anxiétés identitaires, pose en problème M. Defarges. Au-delà des poussés populistes inquiétantes, comme l’obtention de 13,5% du parti d’extrême-droite Alternative pour l’Allemagne aux élections fédérales allemandes du 24 septembre, l’identité et par extension la culture ne peut payer les frais du marché unique, d’un espace juridique européen et d’une monnaie unique.
Les touristes ne visitent pas Paris pour aller manger au McDonald’s sur les Champs-Élysées même si l’on y sert des pâtisseries françaises et encore moins pour s’amuser à Euro Disney dans un décor de contes européens enchantées par la corporation américaine. Ainsi, l’authenticité a une valeur, mais du berceau de la démocratie que représente la Grèce à l’étendue de l’empire britannique cette valeur varie selon des critères économiques.
Volonté populaire
Si l’on compile les données sur le Royaume-Uni de l’essai Nouvelles relations internationales, cet État a obtenu le plus grand nombre de règles particulières sans adhérer à la monnaie unique ni à l’espace Schengen dans le cadre de l’UE à 28 pays. De plus, l’euro a un poids considérable dans les transactions financières de la City. En contrepartie, l’encadrement croissant des normes européennes remodèle la souveraineté britannique. Le Royaume-Uni s’est fait porte-parole de la libre circulation des travailleurs dont ceux originaires d’Europe centrale et orientale attirés par les opportunités d’emploi dans les îles britanniques.
Le 23 juin 2016, le référendum pour le retrait de l’UE obtient 51,9% des voies. D’abord, le Brexit est une affirmation hostile envers la venue de ces travailleurs étrangers en quête d’autodétermination et de bonheur individuel. À noter que leur départ alourdi le fardeau fiscal de leur pays d’origine. Ensuite, le Brexit puise dans l’anxiété identitaire. Des Britanniques issus de toutes les couches de la société demeurent convaincus de leur irréductible insularité, rappelle M. Defarges, exportant et important à travers leur panoplie coloniale.
La carte des résultats électoraux du Brexit montre un contraste flagrant entre la capitale de l’élite financière au coût de la vie excessivement élevé, Londres et la périphérie pro-Brexit. Tenant compte des données de l’essai, ce vote ne serait-il pas aussi une réaction aux inégalités économiques et à la négligence systémique ?
Défi écologique
À part l’Europe, la courte section dédiée à l’Amérique compare le Sud et le Nord du continent. De plus, l’introduction de l’ouvrage taille une place au géant chinois qui doit faire face à un système juridique et institutionnel d’inspiration occidentale, alors que la deuxième partie portant sur les questions mondiales nous éclaire sur la complexité du désarmement.
Traçant l’historique des enjeux, M. Defarges fait remonter le défi écologique au tremblement de terre de Lisbonne en 1755 et à l’éruption du volcan islandais Laki du mois de juin 1783 à février 1784. La catastrophe portugaise suscite un débat sur les responsabilités humaines : fallait-il édifier une ville dans une zone connue pour sa vulnérabilité aux séismes ? Alors que les poussières dispersées dans l’atmosphère à partir de l’Islande auraient réduit les récoltes tant en Europe qu’en Amérique du Nord, stimulant l’effervescence révolutionnaire française de 1789.
À consulter.
Nouvelles relations internationales de Philippe Moreau Defarges est paru aux Éditions du Seuil en 2017.