Le livre est beau, épuré. Avec un petit côté brut, un papier un peu grumeleux sous les doigts. On a l’impression de caresser ici quelque chose qui sort à peine de l’usine. Un choix idéal pour cet hommage livresque au designer québécois Michel Dallaire et son demi-siècle de carrière.
Publié aux Éditions du passage, l’ouvrage, intitulé De l’idée à l’objet, se veut à la fois biographie et musée portatif des plus grandes oeuvres du concepteur derrière quantité d’objets iconiques, qu’il s’agisse de simples ustensiles destinés au barbecue, de panneaux signalétiques, ou encore de la torche employée lors des Jeux olympiques de 1976.
Tombé très tôt dans le design, Michel Dallaire a multiplié les projets au fil des ans. Pour l’amour de la beauté et du travail bien fait, d’abord, mais aussi parce qu’il faut bien manger, sans doute. Et voilà d’ailleurs tout le paradoxe du travail de designer. À l’image des architectes, peut-être, et de tous ces autres travailleurs de l’ombre. Si le travail est bien fait, on félicite les décideurs, ceux qui supervisent le projet ou qui mettent en vente le produit fini. Dans le cas contraire, on blâme les rouages de la machine, alors que de la conception à la réalisation, plusieurs détails sont souvent modifiés, voire carrément gommés.
Pour le néophyte du design, il est donc surprenant de constater que Michel Dallaire est responsable de bon nombre de petites et grandes idées qui ont donné naissance à des produits reconnaissables, des produits faciles d’utilisation, mais aussi des produits aux lignes épurées et simples. Ce fameux caquelon à fondue conique, entre autres. Ou encore ces supports à vélos circulaires entourant certains poteaux de stationnement à Montréal. Poteaux qui sont trop peu nombreux et souvent mal placés pour que l’idée de M. Dallaire fonctionne pleinement, mais là n’est pas la question. Ou est-ce plutôt entièrement la question? Car cet ouvrage, au-delà du rappel de la très impressionnante carrière du designer, force à réfléchir sur l’utilisation que nous faisons, en tant que société, de ces petites et grandes idées.
Michel Dallaire et ses confrères auront bon s’escrimer pendant des heures, des jours, voire des années sur la table à dessin, il suffira d’un fonctionnaire aux idées étranges ou à l’esprit étroit pour que le tout laisse un souvenir amer dans la tête de bien des gens. Pourquoi choisir le beau et le mieux quand il est nécessaire de choisir le moins cher?
Bien entendu, De l’idée à l’objet ne répond pas à ces questions. Mais lire le recueil – et aller visiter l’exposition devant ouvrir ses portes début décembre au Musée de la civilisation, à Québec – permet d’entamer une réflexion plus que nécessaire, alors que la transformation urbaine d’ici et d’ailleurs s’accélère.