La renommée de James Thierrée n’est plus à faire. Depuis 1998, les spectacles qu’il crée avec sa Compagnie du Hanneton font événement. Sa signature: un univers surréaliste où les objets prennent vie, les décors se meuvent et les hommes se retrouvent bien souvent en proie à cet étrange espace-temps.
Ceux qui ne savent pas qu’il est le petit fils de Charlie Chaplin retiendront son nom, car, chose certaine, il n’y en a pas deux comme lui. Seulement, cette « recette » James Thierrée est toujours un peu la même. Elle marche, certes, mais il n’y a pas grand renouveau. Le décor change, les interprètes aussi, mais l’univers, la gestuelle et certains gags forment les mêmes points d’ancrage pour nombre de ses spectacles. On est sous le charme de cette esthétique ou on ne l’est pas.
L’ingéniosité du décor et le talent des interprètes, dont il fait partie, sont toujours remarquables et les pointes d’humour attachantes. On passe une heure et demie, qui connaît plusieurs longueurs, devant une fiction réglée comme du papier à musique dont le moindre détail de scénographie est en adéquation avec le tout et qui nous fait presque oublier que nous sommes dans une salle de spectacle. Rares sont les propositions artistiques aussi englobantes: tout l’espace scénique est partie prenante de l’histoire dans laquelle sont embarqués les cinq interprètes et la chanteuse, qui émane du rideau rouge dressé à l’avant-scène au début du spectacle. Le rideau lui-même est sollicité comme élément appartenant à ce monde étrange: il se décroche progressivement et s’enfuit en coulisses.
Ce « tout », cette richesse scénographique, résonne du côté de la distribution, qui compte une danseuse/mime, une acrobate, deux comédiens, une chanteuse et James Thierrée, qui compile à peu près tous ces talents (excepté celui de chanteur, où en tout cas il n’est pas dévoilé ici). Aussi metteur en scène du spectacle, il en signe la trame musicale, délicate et parsemée de chansons interprétées en direct par la voix puissante et profonde d’Ofélie Crispin.
James Thierrée a donc façonné un univers bien à lui, dont l’interprétation est laissée au spectateur. Ou tout du moins de ressentir: il avoue « faire du théâtre pour ne pas avoir à expliquer ce qui remue à l’intérieur ». Si nous ne comprenons pas toujours le sens de ses histoires, acceptons de laisser planer le mystère et de déployer notre imaginaire. Cela en vaut la peine.
La grenouille avait raison, jusqu’au 7 octobre à la TOHU.