La formation montréalaise Half Moon Run se produisait mardi à la Maison symphonique pour un concert à guichet – très – fermé dans le cadre des séries OSM Pop. Cette série de concerts reprend le répertoire d’artistes influents du monde de la pop et marie leur répertoire avec une réinterprétation classique de l’orchestre symphonique.
Inutile de dire que les attentes étaient élevées pour ce premier de deux concerts très courus. Le groupe chouchou des Montréalais s’est livré récemment à une tournée triomphale dans plusieurs grands festivals d’été, sans oublier la scène de la place des festivals en juin dernier. Nous découvrîmes mardi soir une scène encombrée de divers instruments rarement usités dans un concert symphonique: claviers Rhodes, vibraphone deux batteries utilisées en alternance, et bien entendu plusieurs guitares électriques. La scène, encombrée de tous ces musiciens venus d’horizon que tout sépare, apparaissait comme un vaisseau amiral, monolithique, constellé de points lumineux voguant dans la noirceur.
D’emblée, la première chose qui frappe c’est la justesse vocale du chanteur Devon Portielje, lequel prouve que même dépouillé de toute fioriture, les harmonies composées par le quatuor montréalais demeurent limpides, vraies; tout simplement belles. Puis, c’est un brutal constat qui s’impose : les pièces d’Half Moon Run possèdent une facture résolument classique dans leur composition, trahissant la formation de Dylan Phillips (chant, batterie, clavier) au Conservatoire de musique de Montréal.
La section des cordes aura repris efficacement le sentiment d’urgence souvent retrouvé dans les chansons du groupe, tout en staccato, dont les arrangements symphoniques ont été transposés d’une main de maître par l’orchestrateur Blair Thomson, lequel aura d’ailleurs été généreusement ovationné pour son œuvre. Les déflexions vocales caractéristiques du groupe apparaissaient en phase avec ces coups d’archet impromptus.
Au départ, l’adaptation à la formule symphonique aura pris un certain temps à se distiller sur scène; les premières chansons apparaissaient souvent comme une sorte de restitution un peu simpliste chantée a capella juxtaposée à un arrangement un peu trop littéral, nous laissant quelque peu perplexes sur l’intérêt de la formule. Aussi, il ne semblait pas toujours évident de mettre à profit chaque membre du groupe en même temps, la voix étant évidemment fortement présente et éclipsant l’usuelle guitare ou la basse. On avait donc parfois l’impression que certains membres du groupe (claviers, guitares) étaient sous-utilisés durant certains morceaux alors qu’à l’inverse, c’est l’orchestre lui-même qui paraissait trop effacé dans la première moitié du concert.
Par contre, dans Drug You, le leitmotiv lancinant des cordes restitua habilement le sentiment d’urgence alors que Narrow Margins donna lieu à une très douce restitution à la guitare acoustique, émotive et dépouillée. La dernière partie du spectacle démontra à elle seule toute la pertinence de transposer l’œuvre d’Half Moon Run vers le monde symphonique. Successions de succès, cette finale grandiose combla les fans, à croire que ces pièces étaient taillées d’avance pour être jouées par un orchestre. La pièce Call Me in the Afternoon rayonnait de fraîcheur sous une ovation amplement méritée. Ces pièces grandioses déboulèrent les unes après les autres: She Wants To Know, Need It, Give Up… comme si chaque petite parcelle de romantisme classique contenue dans ces chansons y avait été extraite, pour être ensuite restituée avec brio par un orchestre dirigé avec passion par le chef adjoint de l’OSM Adam Johnson. Le grand orgue Pierre Béique fit également une apparition remarquée, l’organiste en résidence de l’OSM Jean-Willy Kunz s’en donnant à cœur joie dans un puissant solo de la pièce Need It.
Il était d’ailleurs touchant de voir ces musiciens humbles et visiblement émus de vivre cette expérience inusitée avec un public conquis se faufiler hors de la salle incognito parmi les spectateurs et rentrer à la maison, tout près. Eux qui ont vu passer les plus grandes villes du monde auront finalement mené à bon port le gigantesque et lumineux navire amiral qu’était l’OSM mardi soir. Il s’agissait là d’un magnifique concert dont le dernier tiers démontrait finalement toute la pertinence de cet exercice de style. Oui, le mariage de la musique d’Half Moon Run avec celui d’un orchestre symphonique de haut calibre comme celui de l’OSM relève de l’évidence. Rarement a-t-on vu une telle communion entre un groupe et son public. Mercredi soir, c’est une autre poignée de chanceux qui pourront (re)vivre ce grand moment de la scène musicale montréalaise.