Mais quel bonheur souvent jouissif que ce nouveau long-métrage de Philippe Falardeau qui vient s’adresser à pas mal tout le monde dans cette belle folie comico-politico-sociale. Comme quoi si Guibord s’en va-t-en guerre n’a heureusement pas la prétention de vouloir faire le ménage, il a certainement le potentiel de faire tout un boucan.
Jouant avec brio sur le principe d’accumulation, le tout nouveau long-métrage de Philippe Falardeau échafaude un point de non-retour pendant qu’une panoplie de personnages mêlés à des situations grotesques, mais reconnaissables, lui permet de mettre de l’avant pour la première fois en totalité son amour pour l’humour, tout en lui donnant la chance d’exposer mieux que jamais son côté très engagé. Après un sympathique premier film américain qui est passé plutôt inaperçu (The Good Lie avec Reese Whiterspoon), le cinéaste revient chez lui pour parler du Québec qu’il aime et chérit, tout en tournant en dérision et autodérision une actualité qui a souvent mal.
Mais qu’est-ce que Guibord s’en va-t-en guerre? C’est en fait un immense foutoir d’une maîtrise sidérante qui met en scène le cirque politique qui nous envahit. On y retrouve le député de région Steve Guibord, ex-hockeyeur professionnel qui se retrouve pris entre les autochtones, sa famille, le premier ministre, son comté et tous les autres alors que repose sur lui la décision ultime, le vote décisif à savoir si le Canada part en guerre ou non, ce, pendant qu’un jeune stagiaire allumé tout droit venu de Port-Au-Prince en Haïti observe tout ce qui se produit.
Armé d’un rythme remarquable qui ne s’essouffle jamais et d’une mise en scène vivante, on peut certainement remercier toutes ses petites folies qui vont des ingénieux split-screen à l’excellente trame sonore de son complice Martin Léon qui pige autant dans le Bo Mambo d’Yma Sumac que les meilleurs élans d’Alexandre Desplat chez Wes Anderson. À cela, ajoutez-y la sublime plume de Stéphane Lafleur qui a collaboré aux dialogues, permettant à l’excellente et imposante distribution de dire des répliques aussi inoubliables que le désormais mythique « avez-vous fini de nous prendre pour des melons » de Micheline Lanctôt.
À elle s’ajoutent les brillants Alexis Martin, Robin Aubert, Paul Doucet (dans une performance surprenante qui peut difficilement mieux faire référence à notre Stephen Harper), pendant que Clémence Dufresne-Deslières et Suzanne Clément brouillent bien les pistes de Patrick Huard dans son rôle le plus transcendant depuis Starbuck, rappelant qu’il est capable du meilleur après l’horripilant Ego trip. Pour lui faire face, le nouveau venu Irdens Clément crève l’écran de par son charisme, son enthousiasme et son don inné pour l’humour de haut niveau.
Le fait est que dès sa coquine introduction qui met en scène un amusant cameo du réalisateur lui-même, dans l’ombre, le film s’empresse d’être un feu roulant de bons clins d’œil et d’idées qui savent faire rire intelligemment son spectateur. S’il y a des détours moins subtils que d’autres (la peur de l’avion), tout est dans les détails qui s’avèrent réfléchis et d’une méticuleuse précision.
Il faut donc savourer avec grand enthousiasme cette excellente comédie québécoise qui s’impose comme l’un des films les plus marquants de l’année et l’une des plus belles maîtrises d’un cinéaste déjà fort accompli. Chapeau.
8/10
Guibord s’en va-t-en guerre prend l’affiche en sortie limitée à Montréal et Québec ce vendredi 2 octobre et partout ailleurs le vendredi 9 octobre