Anne Marie Piette
Dernier né du réalisateur italien Paolo Sorrentino (La Grande Bellezza), Youth divise une fois de plus la critique. Entre le navet, le remake light, et la parcelle de génie, il y a ce désaccord persistant. Abandonnant quelque peu ses échasses d’extravagance sans pour autant s’éloigner de ses amarrages familiers, Youth pose un regard tendre et amusant sur cette infortune vieillesse, se campant résolument, gentiment et sans trop de fard vers cette résultante salutaire.
Tourné en anglais tout comme l’était This must be the place en 2011, Michael Caine et Harvey Keitel se partagent l’affiche dans cette hymne au temps qui passe sur fond d’alpage Suisse aux lieux somptueux. Fred Ballinger et Mick Boyle, deux amis bientôt octogénaires, tous deux bien nantis et aboutis prennent des vacances. L’un est chef d’orchestre et compositeur à la retraite, il n’en démords sous aucun prétexte, pas même pour la reine. L’autre, un réalisateur avéré en fin de carrière, sublimant ses actrices, à bout de souffle et d’inspiration, ne recherchant pas moins pour son dernier film « testament » que l’apothéose artistique.
Au gré de leurs conversations tantôt cocasses, tantôt nostalgiques, entre deux ballades, et maints repas diététiques; situations et personnages loufoques s’enchaînent avec humour, affection, sagesse résignée, et ce soupçon de morosité.
Un acteur frustré; un couple muet; un bouddhiste en lévitation; un obèse hacky-tennisman sous oxygène; une rupture amoureuse intempestive; les sanglots et reproches d’une fille à son père; la venue de miss univers.
Si l’affiche du film racoleuse, où deux vieillards (sous-entendu de vieux libidineux) reposent dans un spa et plongent leurs regards creux sur le corps plantureux d’une jeune femme laisse supposer le pire, il n’en est rien. Plus nuancé et intelligent, Youth aborde plutôt avec compassion les limites parfois cruelles du temps et de l’âge sans pour autant se sustenter trop franchement dans cette seule dimension. Ainsi Michael Caine disait avoir versé une larme à propos de cette affiche qui représente selon lui avec justesse le sentiment de ces deux vieils hommes à la vue du corps nue d’une jeune femme, un canon de beauté, qui leur est désormais à jamais inaccessible.
Le moins: de mauvais choix musicaux tout au long du film pour une soundtrack abrutissante, dont cette grande finale musicale impérieuse tout à fait importune.
À la vérité si Youth n’a pas la touche gonflée de La Grande Bellezza, il se dévoile plus philosophe, et intime; nous décrochant plusieurs sourires, et une tendre sympathie.