À quelques jours des élections allemandes, et alors que la chancelière Angela Merkel a de très fortes chances d’être reportée au pouvoir pour un quatrième mandat consécutif à la tête du gouvernement, les éditions Edito publient Angela Merkel – Un destin, sous la plume de la journaliste Marion Van Renterghem.
L’auteure l’avoue tout de go: elle est fascinée par Angela, par celle que les Allemands surnomment Mutti – maman. Fascinée par cette ancienne Allemande de l’Est, dont le père a fait le choix de passer chez les Soviétiques alors que la future politicienne était encore une jeune fillette, et qui, avec sa paradoxale absence de charisme et de style, pourtant une composante apparemment essentielle de la politique, a su devenir l’image d’une Europe qui garde le cap dans la tourmente.
Comme l’on peut s’y attendre avec ce type d’ouvrage, on y découvre l’enfance de Mme Merkel, mais aussi – et surtout – ses tribulations politiques depuis son entrée dans le milieu, tout juste après l’effondrement du mur de Berlin, et jusqu’aux actualités des derniers mois, avec la rencontre d’un Emmanuel Macron à peine remis de son sacre présidentiel par une France avide de changement.
Extraordinaire parcours de cette chancelière allemande, donc, qui réussit à s’imposer dans un monde encore quasi-exclusivement masculin, les femmes étant habituellement reléguées au poste de première dame. Il faut lire ces passages passionnants où Merkel, alors dans l’opposition, torpille ses adversaires, manoeuvre brillamment en coulisses pour se hisser là où elle se trouve aujourd’hui. Ce faisant, toutefois, elle s’isole, ne garde avec elle que ses proches conseillères, ses amis fidèles depuis les débuts.
Si l’obtention du quatrième mandat fait peu de doutes – et l’affaire est même souhaitable, histoire de renforcer les institutions européennes et affronter collectivement, avec Macron le centriste, la menace russe à l’est et la menace trumpienne à l’ouest -, on sent qu’au-delà de l’ouvrage quelque peu complaisant, le modèle Merkel s’essouffle. La chancelière n’est plus de première jeunesse, d’abord, avec ses 27 années en politique active. Ensuite, ses méthodes de gouvernance irritent: elle s’est plusieurs fois dit coincée par les impératifs des structures politiques allemandes, mais Berlin a longtemps joué le rôle de croquemitaine budgétaire, refusant obstinément de faire preuve d’un peu de clémence envers une Grèce exsangue.
Idem pour la légalisation du mariage homosexuel ou l’imposition d’un salaire minimum. Désireuse de ne jamais rien presser (sauf, peut-être, lorsqu’est venu le temps d’accueillir près d’un million de réfugiés, il y a deux ans), Angela Merkel temporise, repousse, joue la montre. Les réformes se mettent en place, mais tout cela est lent, très lent, parfois trop lent. Et pendant ce temps, l’Europe se transforme, les mouvements populistes de droite se multiplient, y compris en Allemagne même, avec le parti nationaliste AfD qui devrait faire son entrée au parlement lors du scrutin.
Le destin d’Angela Merkel est-il de sombrer et d’emporter avec elle le modèle d’une Allemagne mesurée et patiente, victimes, justement, d’un excès de prudence? L’ouvrage fort bien écrit est évidemment muet sur cette question, mais il ne fait nul doute qu’en bout de ligne, le portrait dépeint par Marion Van Renterghem est celui d’une femme extraordinaire qui aura marqué son époque.