Espérait-on vraiment que la formule change? Tout juste avant Sur ordre, et bien sûr avant L’Ours et le Dragon, le défunt romancier américain Tom Clancy imaginait une guerre entre les États-Unis et le Japon dans Debt of Honor (Dette d’honneur dans sa version française). Y trouve-t-on son compte? Pas vraiment, non.
L’idée a été reprise encore et encore par un Clancy qui donne décidément l’impression de manquer d’inspiration: pour assurer sa pérennité, une puissance géopolitique asiatique tourne le regard vers la Sibérie et ses ressources inexploitées. Et encore une fois, les États-Unis joueront le rôle de justiciers planétaires, faisant pleuvoir sur la nation ennemie toutes sortes de munitions aux acronymes aussi complexes et oubliables les uns que les autres.
Cette fois, c’est le Japon qui hérite du rôle de méchant de service. L’histoire débutait pourtant de belle façon: acculés sur le plan commercial par une nouvelle loi américaine qui ralentit grandement les importations nippones, Tokyo, dont le gouvernement est davantage contrôlé par des industriels que par des politiciens, élabore un plan pour assurer la domination du Soleil levant sur la région de l’Extrême-Orient.
Au menu: attaque surprise contre les forces navales de l’allié américain, machinations avec la Chine et l’Inde pour s’attaquer à la Russie, et développement secret d’armes nucléaires.
À Washington, où l’immortel héros Jack Ryan est conseiller présidentiel en matière de sécurité nationale, on trouvera rapidement une façon de riposter, et ce malgré la réduction des forces stratégiques et conventionnelles des États-Unis.
Comme à son habitude, Clancy s’avère incapable de construire une intrigue politique digne de ce nom, ou de changer trop profondément l’équilibre géopolitique de la planète. Pourtant, le contexte était intéressant: que se serait-il passé si Tokyo, New Delhi et Pékin décidaient effectivement de former une alliance et envahissaient la Russie après avoir attaqué Washington? Aurait-on une guerre entre les pays de l’OTAN et ces trois puissances asiatiques? Moscou déciderait-elle d’utiliser ses armes nucléaires? Qu’en serait-il de la scène politique américaine, alors que le président entre dans la période des caucus et autres primaires électoraux? Et quid des médias, qui jouent le rôle de chiens de poche dans le roman, mais qui normalement auraient un impact bien plus important? Tout cela sans compter la communauté internationale et les instances onusiennes, ici désespérément absentes.
Fidèle à son habitude, Tom Clancy ne va pas assez loin, et préfère plutôt étaler ses connaissances militaires. Cette Dette d’honneur est donc à éviter.