L’American Civil Liberties Union (ACLU) de l’État de Virginie a défendu l’organisateur du rassemblement d’extrême-droite à Charlottesville, Jason Kessler afin qu’il garde son permis de manifester. Le National Legal Director de l’ACLU, David Cole répond à une série d’interrogations sur un « encadrement égalitaire » de la liberté d’expression dans le New York Review of Books du 28 septembre.
« Le Congrès ne pourra faire aucune loi concernant l’établissement d’une religion ou interdisant son libre exercice, restreignant la liberté de parole ou de la presse, ou touchant au droit des citoyens de s’assembler paisiblement et d’adresser des pétitions au Gouvernement pour le redressement de leurs griefs », tel est le 1er amendement de la Constitution des États-Unis. Une grande partie des répondants à un sondage du Pew Research Center en 2015 juge que cet amendement n’est plus valable. Pour 40% de la génération des « millennials », le gouvernement devrait avoir le droit de retirer la liberté d’expression aux groupes minoritaires offensifs, tandis que cette proportion chute à 12% auprès de la génération de la contre-culture née entre 1928 et 1945, mentionne David Cole.
Aux citoyens qui critiquent l’inapplicabilité de la valeur d’égalité au droit à la liberté d’expression, David Cole leur concède que la société américaine est profondément inégale particulièrement envers les Afro-Américains. Virtuellement, tous les droits incluant la liberté d’expression peuvent renforcer les inégalités. Le droit de propriété accorde plus de droits à la vie privée au propriétaire de maison qu’au locataire d’appartement, et plus à ce dernier qu’à l’itinérant. Le droit à choisir l’éducation de ses enfants n’est pas accessible aux parents qui n’ont pas les moyens de payer l’école privée. L’accusé d’un acte criminel défendu par un avocat dispendieux a plus de chance d’être acquitté.
L’ « encadrement égalitaire » se justifie-t-il par l’histoire du racisme aux États-Unis?
Considérer les propos haineux à l’égard des Afro-Américains différemment des propos haineux à l’égard d’autres groupes ne peut pas cadrer dans le principe de la liberté d’expression. L’État doit demeurer neutre à l’égard du point de vue de chacun. En contrepartie, comment déterminer quel autre groupe aurait droit à la faveur d’une censure de la part du gouvernement: Autochtones, LGBT, femmes, immigrants en général…?
Qu’est-ce qui devrait être proscrit dans la liberté d’expression?
Le gouvernement devrait-il être en mesure de réduire au silence tous les arguments contre la « discrimination positive » ou sur les différences génétiques entre les hommes et les femmes, ou seulement viser les racistes et les sexistes pas éduqués ? Il est facile de reconnaître les inégalités, mais il est virtuellement impossible d’instaurer des standards pour la suppression de la liberté d’expression. Ce type d’encadrement permettrait aux autorités de porter atteinte à la vie privée et inciterait à la discrimination des points de vue particuliers.
Ce débat ne pourrait-il pas contraindre le président Donald Trump?
Au contraire, si la population autorise les autorités à limiter la liberté d’expression en prétendant que ce droit entre en contradiction avec les valeurs américaines, le président Donald Trump et son gouvernement utiliseront ce pouvoir à ces fins. De plus, l’idée d’un « encadrement égalitaire » de la liberté d’expression vise à protéger les intérêts des minorités, alors que dans un système démocratique l’État est gouverné en fonction de la majorité.
Le 1er amendement protège la liberté d’expression, mais pas les actes de violence et encore moins l’emploi violent des armes, rappelle David Cole. Il protège la presse, les partis politiques et les ONG comme l’ACLU, alors la population doit être prudente dans leurs critiques surtout quand M. Trump siège à la Maison-Blanche.