Les États-Unis incarnent un modèle de société développé grâce à la climatisation; le magazine The Atlantic du 9 août a publié une histoire morale de cette innovation tandis que le Monde diplomatique du mois d’août traite du changement des modes de vie à l’échelle du pays. Énergivore, le climatiseur demeure un boulet dans la lutte globale contre le réchauffement climatique.
Indispensable dans les hôpitaux et les blocs opératoires, ainsi que pour la fabrication de médicaments, réfrigérer les produits alimentaires et les centres de données nécessaires au fonctionnement d’Internet, l’air conditionné a aussi fait ses preuves au niveau de la productivité dans les entreprises. Cependant, lorsqu’on doit porter une « petite laine » pour se sentir confortable dans un magasin qui laisse ses portes ouvertes dans le but d’attirer la clientèle au moment où le mercure affiche à peine 20 degrés, il s’agit d’un luxe à remettre en question.
Aux États-Unis, les climatiseurs consomment 6 % de l’électricité produite et 20 % de la facture résidentielle leur sont dédiés alors que les climatiseurs de voiture consomment entre 26 et 38 milliards de litres de pétrole par année. Si des marchés populeux et « chauds » comme la Chine et l’Inde font de l’air conditionné un besoin, l’ours polaire peut dire adieu à sa banquise en dépit de la courtoisie du président français à l’égard de M. Trump. Selon les projections du Lawrence Berkeley Laboratory, il pourrait se vendre à travers le monde 700 millions de climatiseurs d’ici 2030, et 1,6 milliard d’ici à 2050.
La climatisation a accéléré « l’américanisation du Sud », l’effacement des différences régionales, l’homogénéisation des États-Unis, d’après l’historien Raymond Arseneault. À la suite de l’avènement de l’automobile, de la banlieue et de la genèse relatée par le cinéaste Terrence Malick dans son film The Tree of Life (2011), le climatiseur tel qu’on le connaît aujourd’hui est venu s’encastrer dans les fenêtres des foyers dans les années 1960. En parallèle, la ségrégation a été officiellement abolie dans le Sud. Autrefois irrespirable, la région devient un nouvel attrait pour les habitants et les entreprises grâce à la climatisation.
La population de la Sun Belt a augmenté de 28 % à 40 % entre 1950 et 2000, et aujourd’hui 97 % des foyers sont climatisés.
Habitacle
Avant que l’on uniformise le mode de vie à l’américaine de Miami à New York en faisant un détour par Phoenix, l’architecture et l’orientation des maisons du Sud étaient adaptées à la chaleur par des portes et fenêtres vastes pour faire circuler l’air, des plafonds hauts, des murs intérieurs minces, des corniches larges pour protéger des rayons du soleil, etc.
Le climatiseur n’est pas seulement nuisible pour l’environnement par son aspect énergivore, il souffle également l’air chaud extrait du bâtiment à l’extérieur, souligne Écohabitation proposant des solutions pour éviter la climatisation. La chaleur ambiante des villes est déjà intensifiée par le phénomène des îlots de chaleur, conséquence du manque de végétation, de la grande quantité de surfaces asphaltées et de la chaleur émise par les véhicules.
À Masdar City dans la région désertique des Émirats arabes unis, les chercheurs de la ville verte laboratoire ont mis au point une tour à vent. La colonne aspire le vent chaud au sommet et renvoie l’air frais par sa base grâce à un système de brumisation, rapporte le Monde, le 29 février 2016. Alors qu’à Dubaï, les Émiriens nouent avec la démesure de la climatisation. Les 40 degrés Celsius de leur climat ne les empêchent pas de skier à l’intérieur du Mall of the Emirates.
En 2008, l’ONU a augmenté la température de son siège new-yorkais de 3 degrés Celsius afin de montrer l’exemple, note le Monde diplomatique. Depuis, les magasins climatisés de la Grosse Pomme n’ont plus le droit de laisser leurs portes ouvertes.