Cri du coeur. Cri du corps. Cri de l’âme. Blanc dehors, quatrième roman de Martine Delvaux, jette un regard froid mais humain sur une enfance passée sans père. Pas de père absent, pas de père violent, juste un père qui n’est pas là. Qui n’a jamais été là.
Autant l’écrire tout de suite: Blanc dehors n’est pas un roman qui se termine bien. Le père mystère n’apparaît pas miraculeusement vers la fin du récit pour rencontrer sa fille, aujourd’hui une femme dans la force de l’âge. Pas plus qu’elle ne finit par découvrir l’identité de son géniteur.
Le livre publié chez Héliothrope est en fait une réflexion sur la place du père dans la croissance de la psyché d’un enfant. Rien ne prouve qu’en raison de l’absence de ce dernier, l’héroïne ait souffert de problèmes psychologiques, ou que sa vie soit « ratée ». Mais impossible de savoir ce qui aurait changé si le père était resté avec la jeune mère en devenir, terrorisée par la peur de mettre au monde un « bâtard ».
Car c’est ce que fut notre héroïne, née bien avant la disparition de la distinction légale entre enfants légitimes et illégitimes au Québec, enfant qui fut remise à une organisation religieuse pendant un très court laps de temps, pour que sa mère puisse retomber sur ses pieds. Mère qui, aussi, a failli être déshéritée par ses propres parents morts de honte et effrayés par le qu' »en dira-t-on? ». Réflexe un peu ridicule, même pour l’époque, mais geste dévastateur dont les conséquences se font encore sentir des années plus tard, alors même que les principaux protagonistes sont décédés depuis belle lurette.
Roman dur, roman direct, mais roman nécessaire. Inutile de camoufler la réalité; Blanc dehors est en fait une réflexion importante sur la place de la paternité dans la relation entre un enfant et ses parents. Le résultat aurait-il été le même si c’était la mère qui avait tout plaqué pour disparaître, tout de suite après l’accouchement? Ou que se serait-il passé si la mère avait conservé des souvenirs concrets de son amour d’un moment, au lieu de tout détruire, de tout enfouir dans sa tête?
Avec ce titre coup-de-poing, Martine Delvaux livre une écriture honnête, vraie, qui va droit au but. Nul chichis, nulle tergiversation, l’auteure sait ce qu’elle veut, et sait que le sujet qu’elle désire aborder est délicat. Mais qu’à cela ne tienne, elle s’y attaque avec une verve et une fougue qui fait plaisir à voir, à défaut de disposer d’une « fin heureuse ». Après tout, qui sommes-nous pour modifier la réalité?