Dans la salle principale de l’Usine C, point de décors, mais plutôt des exosquelettes métalliques qui pendent du plafond. Ces exosquelettes, la dizaine de journalistes invités les regardent avec une méfiance mêlée de curiosité. Les photos et la vidéo fournie avec l’invitation à l’événement Inferno – « We are the Robots » étaient intéressantes, mais de là à laisser le contrôle d’une partie de son corps à un ordinateur, il y a un pas.
Pourtant, nous étions là, vêtus de bleus de travail, les mains gantées, à transpirer légèrement sous la lumière des projecteurs. Petit à petit, les techniciens et les créateurs du spectacle nous font enfiler ce qui ressemble à un sac à dos doublé du fameux exosquelette, avant de nous immobiliser les bras à l’aide de sangles. Les créateurs, ce sont Louis-Philippe Demers et Bill Vorn; les deux hommes semblent particulièrement contents de faire vivre cette expérience dans le cadre du festival ELEKTRA, eux qui ont déjà présenté cette « performance robotique participative » l’an dernier. Mais pour les « cobayes » médiatiques de l’édition 2017, le tout demeure franchement intriguant, surtout lorsque la dernière étape de l’installation – l’ajout de l’air comprimé dans chacun des exosquelettes – fait en sorte d’immobiliser les bras des « danseurs », bras qui seront désormais à la merci des deux artistes.
Les lumières s’éteignent, et voilà que retentissent les premières mesures de la musique. L’événement a beau porter le titre de l’une des plus célèbres chansons de Kraftwerk, on est bien loin de la musique de ce groupe électronique né en Allemagne de l’Ouest. Non, il s’agit ici de robotisation dans le sens le plus mécanique, le plus industriel du terme. Le bruit est violent, brutal. Tout comme le sont aussi les mouvements des bras des danseurs. Rien d’assez brusque pour provoquer des douleurs, bien sûr, mais l’idée de ne pas avoir le contrôle sur une partie de son corps est suffisant pour provoquer un certain malaise dans la salle. À croire, sans doute à juste titre, que prendre conscience du fait que les robots ne sont pas, par définition, humains est un choc. Nécessaire, certes, mais un choc malgré tout.
Si l’expérience est certainement originale, il faudra attendre une deuxième séance, avec une musique un peu plus dansante, pour que l’on puisse parler de « plaisir ». En ce sens, MM. Demers et Vorn ont certainement réussi leur coup: loin des androïdes ou des robots humanoïdes, loin de Kraftwerk, de Daft Punk et de leurs casques, ou encore loin de la danse du robot, Inferno porte en lui les germes d’une expérience faisant carrément sortir les utilisateurs humains de leur zone de confort corporelle.
Pour les spectateurs désireux de vivre, pendant quelques minutes, dans la peau d’un robot, l’événement se poursuit jusqu’à ce jeudi, 29 juin.
Ci-dessous, un extrait filmé lors de l’invitation lancée aux médias. Crédit: Bénédicte Frémont.
Avertissement: cet extrait comporte des séquences de lumière stroboscopique