Ce spectacle, je l’avais manqué de peu la saison dernière à l’Espace Libre. Et avant aux Écuries. Je n’étais pas dûe, comme le dit le proverbe. Lorsque je l’ai vu réapparaître dans la programmation du 375e de Montréal au Théâtre d’Aujourd’hui, j’ai sauté sur l’occasion. C’est donc avec un certain énervement que je me suis assise dans la salle, prête à surfer sur La vague parfaite.
L’histoire qui nous est racontée pourrait prendre place demain matin. Ou dans 150 ans. Cela n’a pas d’importance. La situation planétaire est catastrophique. Malgré cela, un petit groupe vit sans soucis sur l’île de Tahiti. Leur mantra? Hakuna Matata. Les Cool et les Wannabes vivent en harmonie, dans un système hiérarchique bizarrement établi et construit sur la base solide du surf. Soudain, un tsunami vient bousculer la vie de ces hippies et ils sont forcés de se trouver une nouvelle terre d’accueil.
La vague parfaite a la structure d’un opéra; en actes, avec un intermède, des sous-titres, des chants en langues multiples, une histoire à la fin épique-tragique qui se termine avec un grand numéro chanté en chœur. Tout y est pour convaincre le spectateur qu’il assiste à quelque chose de sophistiqué, digne de La Bohème. C’est une ruse.
Comment convaincre des chanteurs d’opéra professionnels de pousser la note en joual et de dire plus d’un commentaire salé pendant une heure quarante-cinq? Olivier Morin et Guillaume Tremblay semblent avoir trouvé le secret. Ce dernier est d’ailleurs le narrateur de la pièce, utilisant sa voix théâtrale (c’est vraiment plus cool qu’une voix de doublage) à bon escient.
La vague parfaite est plus qu’une satire globale de la société, ce grand mot qui englobe tout sans rien vouloir dire. Cette pièce réussit à ridiculiser tout le monde de manière égale. Tout y passe: l’idylle du rêve américain, le culte du jus vert et de la beauté, la surconsommation, la dépendance à la technologie et son antonyme, la pureté de la vie simple en son absence. On y aborde la politique américaine par la présence de la présidente Michelle Obama, les stéréotypes raciaux et de l‘étranger avec le personnage de la journaliste japonaise, le fondamentalisme, le fanatisme et le culte de la coolness, la structure élitisme de notre monde par la division en groupe distinct avec des privilèges bien différents, les oracles des prédictions météorologiques et j’en passe.
Tout cela est lancé, ou plutôt chanté, au public. Toutes ces problématiques magnifiées par 10 du monde dans lequel nous vivons aujourd’hui. Beaucoup de propos à assimiler, mais l’utilisation d’un jeu exagéré, loin du réalisme et de l’humour satirique rend le tout facile à suivre. La vague parfaite montre ce que nous pourrions devenir, demain ou dans 150 ans, si nous ne changeons pas notre regard et notre manière d’évoluer sur la vague de la vie. C’est efficace, c’est drôle, c’est très in your face. Le message a donc le mérite d’être très clair. Les personnages prennent la décision de mourir pour les apparences. Mourir seul. Mourir pour l’image. Mourir parce qu’ils n’ont pas voulu avoir l’air « cave ».
En sortant de la salle, les spectateurs se regardaient tous d’un air confus, un sourire flottant sur leur visage, en se demandant: mais pourquoi? Pourquoi prendre l’art le plus complet qui existe pour faire une pièce sur l’individualisme? Et à cela je réponds: mais pourquoi pas?
La vague parfaite est présentée jusqu’au 10 juillet au Théâtre d’Aujourd’hui.