Révélation cinématographique de l’année 2003, Lost in Translation est un objet qu’il est nécessaire de manipuler avec précaution. Mais au diable les convenances, c’est avec un enthousiasme débridé que Guillaume Tunzini plonge dans un making of débridé présenté dans le cadre du Festival international du film sur l’art (FIFA).
Retour, donc, sur ce coup de maître de Sofia Coppola, qui fit passer Bill Murray à une carrière dramatique après des décennies à jouer les comiques. Révélation, aussi, pour Scarlett Johansson, dans un rôle de jeune mariée traînée au Japon, complètement dépaysée par les barrières de la langue et de la culture, et qui y rencontre un Murray jouant un acteur sur le déclin appelé à tourner une pub de whisky au Pays du soleil levant.
Le documentaire est à l’avenant du film qui obtint des récompenses tout à fait méritées aux Oscar: suffisamment récent pour prendre du recul sur l’oeuvre, surtout avec une mise en perspective par rapport aux carrières des deux principaux interprètes et de la réalisatrice. Il était une fois… Lost in Translation est également un melting pot cinématographique où on nous transporte de nouveau au Japon, tout en mélangeant des Américains ayant participé au tournage (dont les acteurs et la réalisatrice), des Japonais employés sur place et des experts français. La langue de Molière se mélange à celle de Shakespeare et aux sonorités du pays-archipel dans un merveilleux bordel linguistique et culturel. Comme s’il était nécessaire d’accentuer cette sensation de déconnexion provoquée par le film… mais le tout est si bien fait que le spectateur en redemande. Et celui-ci aura par ailleurs grandement envie de revoir ce petit bijou à qui l’on prédisait un succès d’estime, sans plus.
Il est étonnant de constater, 13 ans plus tard, à quel point les carrières de mesdames Coppola et Johansson et de M. Murray ont pris des directions opposées suite à ce film. Comme on le disait, Bill Murray personnifie aujourd’hui ce qui pourrait passer pour une version extrême de lui-même, multipliant les rôles de vieil homme confus, ou encore jouant son propre rôle pour bien rigoler dans Zombieland.
Scarlett Johansson, qui n’avait que 17 ans à l’époque du tournage, a travaillé un temps avec Woody Allen, mais semble aujourd’hui condamnée à des rôles de potiche de service dans la série des Avengers de Marvel, où l’on met davantage de l’avant sa plastique (engoncée dans du latex ou du vinyle, s’il vous plaît) que ses talents d’actrice.
Quant à Sofia Coppola, la fille du grand maître, elle vogue de projet personnel en projet personnel, sans grandes contraintes de production, et cela peut donner de fascinants résultats, ou quelque chose d’hélas un peu trop léger (The Bling Ring).
Il était une fois… Lost in Translation est la preuve que ce film est solidement ancré dans l’imaginaire du septième art – et peut-être, aussi, que le Japon conserve une aura de mystère que les années ne réussiront pas à dissiper.