Outre le changement morphologique des obèses morbides, le spécialiste de l’histoire de la consommation à la University of London Frank Trentmann retrace la chronologie du consumérisme dans l’ouvrage Empire of Things: How We Became a World of Consumers, from the Fifteenth Century to the Twenty-First, paru en 2016.
On ne peut pas uniquement compter sur les marchés et sur les choix individuels pour repartir le métabolisme de la société de consommation, l’État devra intervenir, soutient Frank Trentmann. Cet ouvrage est le résultat d’une étude de cinq ans financée par le gouvernement britannique à partir de recherches multidisciplinaires issues du programme « Cultures of Consumption », c’est-à-dire 26 projets d’études sur divers sujets, rappelle Deborah Cohen qui critique l’ouvrage pour le New York Review of Books du 25 mai. L’objectif est de développer un argumentaire afin de mettre l’État, les politiques et la géopolitique au centre de l’histoire de la consommation, poursuit-elle.
Si l’État peut cadrer la façon dont les citoyens consomment par les mesures suivantes: les politiques de libre-échange, l’impérialisme, les investissements dans les services publics, les programmes de bien-être social, la régulation des hypothèques, les heures d’ouvertures des magasins, les subventions pour le recyclage, etc., trois tangentes se distinguent dans la formation de la société de consommation.
À la suite de la Seconde Guerre mondiale, l’Europe de l’Ouest et les États-Unis ont augmenté leurs dépenses publiques, ce qui a entraîné une augmentation de la consommation. Ainsi, une société inégalitaire nuit au consumérisme.
À cela, s’ajoutent les habitudes de consommation propres à chaque nation. À Singapour, par exemple, est-ce que les gens vivent plusieurs générations dans la même maison par respect pour leurs aînés ou parce que cet État offre des déductions d’impôts en lien avec les obligations filiales ?
Puis, l’auteur démontre qu’au XXe siècle, le Royaume-Uni et les États-Unis ont incarné un modèle en établissant un lien étroit entre le citoyen et le consommateur. Bien que le New Deal du 32e président des États-Unis (1933-1945), Franklin Delano Roosevelt se base sur un idéal de liberté, l’auteur cherche à démontrer que la liberté n’est pas nécessaire à la prospérité d’une société de consommation.
À partir des années 1990, la Chine a créé une « nation de propriétaires » en moins d’une décennie. Un exploit qui surpasse le record anglo-américain du 31e président des États-Unis (1929-1933), Herbert Hoover et de la première ministre du Royaume-Uni (1979-1990), Margaret Thatcher : les tenants de la démocratie « propriété résidentielle ».
Antécédents
L’ouvrage de Frank Trentmann ne traite pas uniquement de magasinage, lit-on dans le quotidien britannique Guardian le 9 février 2016. La première moitié traite du « progrès mondial des produits » du 15e siècle jusqu’au regain des marchés en Asie, de nos jours. L’esclavage transatlantique y joue un rôle important, notamment de 1700 à 1808, via le commerce du sucre, du café, du coton, du riz et du rhum aboutissant au Royaume-Uni. Il s’agissait de l’un des systèmes commerciaux les plus parfaits des temps modernes, un circuit exemplaire d’approvisionnement et de demande, affirme l’auteur.
Le physicien et homme de lettres néerlandais, Bernard Mandeville (1670-1733) a fournit un apport non négligeable à l’éducation en faveur de l’avènement du consumérisme, relève Deborah Cohen. Dans La Fable des abeilles (1714), il a réconcilié l’avarice individuelle et la prospérité nationale indiquant que la cupidité peut être bonne, du moins pour l’économie. Il en manquait peu pour que le propos du physicien rejoigne celui du philosophe et économiste, Adam Smith dans The Wealth of Nations (1776), pour qui la consommation est « l’unique fin de toutes productions ».
En parallèle de ces ajustements moraux, le colonialisme faisait baisser les prix des produits importés, poursuit l’auteur. Au 19e siècle, le libre-échange des empires s’est accompagné de baisses ou d’abolitions des tarifs douaniers de la part des États afin d’offrir des prix plus compétitifs à leur population, restée au bercail.
Obésité
Après les États-Unis, le Mexique compte le plus de citoyens obèses au monde. Selon l’Instituto Nacional de Salud Pública, 52 % des Mexicains ont un excès de poids et autour de 15 % d’entre eux sont atteints de diabète, d’après la Federación Mexicana de Diabetes, rapporte le quotidien espagnol El País le 7 septembre 2016.
Ce fléau social, voire national, serait attribuable à une mauvaise alimentation, à une vie sédentaire comprenant de longues heures de travail, un manque d’exercice physique, un système sanitaire déficient, ainsi qu’à des conditions génétiques.
Le colonialisme s’ajoute à la liste.